L'école entre la pression consumériste et l'irresponsabilité sociale

Texte communiqué par

Philippe MEIRIEU

Directeur de l’IUFM de l’Académie de Lyon

 

Conférence devant le syndicat des enseignants de Suisse romande

Yverdon 19 juin 1999

 

Bonjour à toutes et à tous. Merci de m’accueillir. C’est un peu impressionnant de m’adresser ainsi à vous, au cours de ce Congrès dont le thème est si important, si inscrit dans l’actualité. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt une partie des discussions et des conférences de la matinée. J’ai participé aussi à la réalisation du film qui vous a été projeté, et qui a donné lieu en France à des débats très intéressants.

 

Je vais m’installer, pour ma part, dans un registre qui sera délibérément plus pédagogique que celui qui a été traité ce matin. Cela a d’ailleurs été annoncé tout à l’heure à la tribune. Mais peut-être, pour prolonger et manifester, comme le dessinateur Barrigue, ma fonction d’impertinence, je voudrais rappeler que, sans aucun doute, l’école est menacée par le marché et par le profit. Cela a été dit. Cela a été rappelé avec force et démontré avec des arguments qui paraissent particulièrement convaincants. Il faut rajouter à cela que le marché n’est pas aujourd’hui un danger à venir, c’est déjà une réalité. Et il ne faudrait pas, à dénoncer les complots qui pourraient survenir, oublier les réalités dans lesquelles nous vivons au quotidien.

 

Le marché scolaire est déjà là. C’est le marché, par exemple, de la construction scolaire, c’est le marché des manuels scolaires, c’est le marché du soutien scolaire, c’est le marché des filières, des langues, des établissements scolaires… marché dans lequel les enseignants se trouvent particulièrement à l’aise quand il s’agit des intérêts de leur propre progéniture. C’est le marché des colloques, des revues et des ouvrages qui discutent du danger du marché dans le domaine scolaire. C’est le marché des politiques municipales, départementales, régionales. C’est aussi le marché de toutes les industries nationales qui cherchent à se consolider dans le processus de mondialisation : marché dans lequel l’économie suisse joue une partie dont bénéficient évidemment au quotidien tous les citoyens helvétiques, fussent-ils enseignants.

 

Si je me permets ces impertinences, c’est pour éviter de tomber dans un manichéisme qui pourrait, me semble-t-il, nous faire oublier la complexité des situations auxquelles nous sommes confrontés.

 

Dans un premier temps, je vais tenter de montrer que nous sommes pris dans une opposition qui n’est pas simple et dont on ne peut pas se débarrasser d’une manière trop caricaturale. C’est ce que j’ai appelé, dans l’intitulé de cette conférence, la pression consumériste d’un côté et l’irresponsabilité sociale de l’autre. Et vous verrez que, entre ces deux attitudes, le choix n’est pas toujours facile. Dans une deuxième partie, j’évoquerai, ce que j’appelle l’opposition entre l’école "service" et l’école "institution". Dans une troisième série de remarques, j’évoquerai les facteurs qui me paraissent aujourd’hui être facteurs de crise de l’école comme institution. J’évoquerai, enfin, dans une quatrième partie, très brièvement, l’idée du bien commun et j’essaierai de montrer comment, me semble-t-il, pour fonder une institution scolaire, il faut réinventer un bien commun ; avant d’évoquer ce qu’Habermas appelle le patriotisme constitutionnel et de terminer d’une manière très concrète sur une dizaine de propositions pédagogiques à mettre en œuvre au quotidien dans nos classes et qui, dès aujourd’hui, dès demain, nous permettent de lutter contre toutes les logiques d’exclusion, de privilège, toutes les logiques que vous avez très justement dénoncées ce matin.

 

Voilà donc l’ensemble des remarques que je me propose de faire. Et tout de suite, dans une première partie, je voudrais illustrer le dilemme du titre de cette conférence : les enseignants pris entre la pression consumériste d’un côté et l’irresponsabilité sociale de l’autre. Nous sommes des enseignants. Je suis moi-même enseignant et j’en rencontre beaucoup au quotidien, je parle avec eux. Et je sais que, dans leurs contacts avec les parents, dans les conseils de classe, dans les décisions d’orientation, dans la façon dont ils choisissent leur affectation dans les établissements, chaque fois, ils sont pris dans cette difficulté de se situer entre deux extrêmes et d’éviter de tomber dans l’un ou dans l’autre.

 

 

 

PRESSION

CONSUMÉRISTE

IRRESPONSABILITÉ SOCIALE

 

Céder à l’inquiétude des parents

 

Ignorer la réalité socio-économique de notre société

 

 

Tyrannie de l’obligation de résultats

 

 

Refuge dans l’ineffable

 

 

Primat de l’instrumental et de la « pédagogie bancaire »

 

Primat de la complicité culturelle et de la « violence symbolique »

 

 

Primat du béhaviorisme

(efficacité du couple stimulus/réponse)

 

 

Primat de la pédagogie des dons et refuge dans le fatalisme

 

 

Recherche de l’efficacité scolaire immédiate

 

 

Refus de tout contrôle social

 

Mise en concurrence des enseignants et des établissements

 

« Solidarité professionnelle » contre les parents vécus comme « ennemis »

 

 

Privatisation

 

Cléricalisation

 

 

 

La pression consumériste a été très longuement évoquée ce matin, elle amène à céder à l’inquiétude des parents, pour fournir toujours ce que les parents demandent, au moment où ils le demandent. Mais en face, nous sommes tentés de nous réfugier dans une attitude d’ignorance de la réalité socio-économique, des angoisses familiales légitimes, des angoisses que nous-mêmes éprouvons quand il s’agit de nos propres enfants.

 

Alors c’est vrai que nous ne pouvons pas être les esclaves des craintes et des inquiétudes des parents, fussent-elles fantasmées, mais nous ne pouvons pas, non plus, ignorer du haut de notre superbe, ces inquiétudes, la réalité du chômage, les problèmes socio-économiques qui talonnent les familles. Nous ne pouvons pas nous réfugier dans une sorte d’irresponsabilité sociale qui nous ferait dire :  « Au fond, après tout, ce n’est pas notre affaire ».

 

Pression consumériste encore, par la tyrannie de l’obligation de résultats. Cette tyrannie de l’obligation de résultats, nous la vivons tous. Il nous faut produire des résultats, aboutir à ce que nos élèves progressent, prouver que nos élèves ont progressé en lecture, en français, en mathématique, mais aussi dans d’autres secteurs, comme l’éducation physique ou la formation à la citoyenneté. Tyrannie de l’obligation de résultats dont nous savons bien qu’elle peut nous entraîner dans toute une série de dérives à court terme, qui dévalorisent, dénaturent complètement notre métier.

 

Mais en face, le danger est le refuge dans l’ineffable : « Après tout, Mesdames et Messieurs, nous sommes des enseignants. Nous n’avons à justifier de ce que nous faisons devant personne. Nous sommes investis du savoir, ce savoir nous a été donné dans des institutions universitaires, par des gens qui sont eux-mêmes investis par des gens qui ont été eux-mêmes investis et, nous n’avons pas, devant quiconque, à plier et à rendre compte de ce que nous faisons… Il y a du savoir qui passe dans la classe, personne n’a à regarder vers qui il passe, pourquoi il passe, comment il passe. »

 

La pression consumériste, c’est aussi, bien sûr, le primat de l’instrumental et de ce que Paulo Freire appelait la pédagogie bancaire… il faudrait former les élèves à des savoir-faire immédiats, à des habiletés professionnelles immédiatement rentabilisables ou immédiatement utilisables. Il faudrait former les élèves à un certain nombre de compétences sociales et techniques, qui vont de s’exprimer en public à remplir une feuille d’impôts en passant par comprendre le mécanisme de la sécurité sociale ou que sais-je encore… toutes connaissances instrumentales dont nous voyons bien qu’elles nous entraînent vers ce que Paulo Freire appelait une pédagogie bancaire : « On ne va à l’école que pour obtenir des biens de consommation, en sacrifiant une partie de son temps, dans une espèce de supermarché scolaire où l’on pèse le rapport qualité-prix : quel est l’enseignant qui nous donne le moins de travail et qui nous met les meilleures notes ? Quel est celui qui nous donne le moins de travail et qui nous permet d’espérer les meilleurs résultats aux examens ? »

 

En face de cette pression consumériste et de cette instrumentalisation des connaissances, qui s’expriment par la montée en puissance des référentiels de compétences, il y aurait - et c’est la dérive inverse - un primat de la complicité culturelle et de ce que Bourdieu a appelé « la violence symbolique » : puisque nous refusons d’entrer dans la  clarification des attentes réciproques, nous laissons massivement fonctionner l’implicite et ce sont ceux qui connaissent déjà les règles du jeu et savent s’inscrire dans les attentes scolaires qui tirent leur épingle du jeu. « Mesdames et Messieurs, puisque nous ne voulons pas faire des tableaux de compétences, puisque nous ne voulons pas avoir des tableaux de bord, puisque nous n’avons pas de comptes à rendre, contentons-nous de transmettre la culture avec un grand C »… la Culture, la vraie Culture, la grande Culture, la Culture dont Bourdieu a abondamment que la capacité à se l’approprier était liée à des habitus sociaux qui sont transmis antérieurement ou parallèlement à elle.

 

Concernant encore la pression consumériste, on voit bien que, si on la prend très au sérieux, on va aller vers un primat du béhaviorisme. Le béhaviorisme va devenir pédagogiquement la seule théorie de référence possible. Si on veut être efficace, on travaille sur le couple stimulus-réponse. Quel est le meilleur stimulus qui entraîne la meilleure réponse ? Et on accélère d’une manière permanente le couple stimulus-réponse en une tension objectif-évaluation indéfiniment multipliée. On ne fait plus que fixer des objectifs et les évaluer, dans une réduction techniciste de tout savoir, de toute compétence, de toute culture que semble exiger la pression sociale.

 

Mais en face, on voit bien que si l’on ne veut pas céder à la pression consumériste, si l’on ne veut pas utiliser les référentiels de compétences, si l’on ne veut pas se doter d’outils pour permettre de savoir quels sont les bons stimulus pour provoquer les bonnes réponses, et bien il existe un danger évident, c’est celui de se réfugier dans la pédagogie des dons et dans le fatalisme. « Mesdames et Messieurs puisque, après tout, nous avons le savoir, nous le transmettons, nous refusons que les parents viennent, là au milieu, nous imposer d’une manière ou d’une autre ce que nous devons apprendre aux élèves. Nous refusons qu’ils viennent mettre le nez dans les résultats que les élèves obtiennent parce que chacun se construit lui-même, parce que les personnalités s’épanouissent et prennent, dans le savoir que nous leur transmettons, les éléments nécessaires à leur propre autonomisation dans un processus mystérieux pour lequel nous n’avons de comptes à rendre à personne ! »

 

En bref, le primat de la pression consumériste amène à la recherche de l’efficacité scolaire immédiate. De l’autre côté, dans l’irresponsabilité sociale, c’est le refus de tout contrat, de tout contrôle social… et les réactions que nous imaginons : « Voilà donc des gens qui sont payés par des contribuables. Et voilà des gens qui, contrairement à la plupart des professions, refusent que les contribuables (qui payent leurs salaires) exercent sur eux le moindre contrôle ! ». Et nous voyons bien que ce refus de tout contrôle social sur l’activité enseignante peut provoquer en retour un choc extrêmement dur dont nous serions bien évidemment les premières victimes.

 

Mais, si nous cédons à la pression consumériste, nous voyons bien arriver le danger de mise en concurrence des enseignants et des établissements. Si on cède à cette pression, la concurrence des établissements va se structurer progressivement, les filières vont se stabiliser et au sein des établissements, la mise en concurrence des enseignants risque même de prendre le relais de la concurrence entre établissements. Et, en face, nous voyons bien que l’irresponsabilité sociale peut aboutir à promouvoir des formes de solidarité professionnelle qui stigmatisent le parent comme l’ennemi et qui couvrent toute faute professionnelle d’un collègue au nom du refus de céder à la pression des « usagers ». Et vous connaissez, comme moi, nombre de situations où nous sommes effectivement en face d’agissements qui nous apparaissent contraires à la déontologie minimale de l’enseignement, où des parents, des « consommateurs », demandent des comptes et où nous choisissons la solidarité professionnelle et la voix du silence, plutôt que celle de l’exigence et celle de l’éthique. On voit bien qu’ici, ne pas céder à la pression consumériste, peut encore une fois nous enfermer dans une tour d’ivoire. Et puis, au fond si j’avais en deux mots à opposer quelles sont les dérives qui apparaissent derrière, d’un côté la pression consumériste et de l’autre côté l’irresponsabilité sociale, je dirais que la dérive dominante de la pression consumériste, c’est la privatisation à terme du système éducatif, et que la dérive de l’irresponsabilité sociale, c’est la cléricalisation à terme du système éducatif. La privatisation nous l’avons déjà très longuement dénoncée ce matin, chacun en voit les effets, chacun en voit les dangers. La cléricalisation n’est pas meilleure : c’est un corps qui s’enferme dans  la certitude d’être socialement au-dessus de tout soupçon, de n’avoir de comptes à rendre à personne, et qui surtout refuse de répondre à la question : «  mais qui donc t’a fait roi ? »

 

J’en viens à la deuxième partie de mon exposé : « Ecole service et Ecole institution ». Il me semble que si l’on veut comprendre les enjeux de l’évolution du système scolaire public dans nos sociétés occidentales, il faut observer que nous avons une double tradition dans ce système scolaire. Et cette double tradition coexiste dans la plupart des pays occidentaux, d’une manière différenciée de l’un à l’autre. La France est sans doute le pays dans lequel le principe de « l’école institution » est le plus fort, ce qui ne veut pas dire que « l’école service » ne soit pas présente. Dans d’autres pays, comme l’Angleterre, c’est sans doute là « l’école service » qui est dominante, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas des tentatives pour restaurer le principe de « l’école institution » ou pour instaurer ce principe.

 

Mais nous nous trouvons là en face de deux paradigmes différents qui travaillent l’histoire de l’Occident et l’histoire scolaire occidentale. « L’école service », c’est, au fond, l’école telle qu’elle a été fondée, si on prend les analyses de Philippe Ariès, par exemple, dans le prolongement de la demande familiale. Philippe Ariès montre très bien à quel point la naissance du sentiment familial et l’apparition de la demande de scolarisation constituent un même et unique phénomène qui émerge à partir du 16ème siècle et qui se développe pendant les siècles qui suivent. Jusqu’au 16ème siècle, les parents n’ont aucun intérêt direct ou indirect pour l’avenir de leurs enfants. Et le sentiment d’appartenance familiale n’existe pas véritablement. C’est à partir du moment où le sentiment d’appartenance familiale existe, à partir du moment où Philippe Ariès va découvrir sur les tombes des épitaphes qui témoignent de l’affection des parents pour leurs enfants, de l’intérêt des parents pour leurs enfants, que les parents construisent des « écoles » et mandatent progressivement des personnels spécialisés pour servir en quelque sorte de bras, non pas séculier, mais clérical, à la fonction éducative qu’ils ne peuvent pas complètement exercer. Historiquement, « l’école service » est donc née avant « l’école institution ». L’école était au service des parents qui voulaient en faire un outil pour la promotion de leurs propres enfants.

 

Dans le système français, nous savons que ce mariage entre l’école et la famille va être très vite bousculé par toute une série d’évènements, jusqu’au grand éclatement des lois de Jules Ferry, qui affirme fortement le primat de « l’école institution » sur « l’école service ». Le primat de l’école institution, pour Jules Ferry, c’est l’affirmation que « seule l’école a le droit d’éduquer ». Parce que l’école c’est la raison et que la famille c’est la superstition et la religion, parce que l’école c’est la langue nationale et que la famille c’est le patois, parce que l’école c’est l’égalité des chances et que la famille c’est l’hérédité des privilèges, parce que l’école c’est le lieu où l’on fait abstraction des inégalités psychologiques et sociales, où l’on revêt ensemble l’aube mystique qu’est la blouse pour se rendre en commun, indépendamment des différences qui nous séparent, disponibles à la raison qui s’expose.

 

Ces principes de « l’école institution » peuvent être critiqués, bien sûr. Ils n’en reste pas moins, à mon sens, des principes régulateurs essentiels. J’ai tendance à penser, peut-être parce que je m’inscris dans cette tradition française, que l’école ne peut pas être un service dans notre société, parce que la qualité de l’école ne peut pas être jugée à la satisfaction des usagers. Il existe au moins deux ou trois, peut-être quatre institutions qui, ainsi, échappent à la satisfaction des usagers comme critère de qualité. Personne ne défendrait l’idée que la qualité de la justice se mesure à la satisfaction des justiciables. Ni que la qualité d’une armée se mesure à la satisfaction des militaires. Je crois, de la même manière, que la qualité d’une école ne se mesure pas et ne peut pas se mesurer à la satisfaction des élèves et de leurs parents, mais à sa capacité à promouvoir les valeurs qu’elle affiche et qu’elle cherche à incarner. L’école ne peut pas être un service non plus, parce qu’elle forme des hommes et qu’elle ne fabrique pas des produits. Elle ne peut pas être un service parce qu’elle travaille sur le long terme et ne s’enferme pas dans la productivité à court terme. Elle ne peut pas être un service, parce qu’elle ne s’inscrit pas dans un marché, mais qu’elle contribue à la promotion de l’humanité.

 

J’en viens à une troisième série de remarques : cette école comme « institution », cette école, échappant en quelque sorte aux pressions de la société civile, échappant aux pressions des usagers, est aujourd’hui en crise. J’ai moi-même, dans un Département français très proche de la Suisse, étudié les protestations des parents depuis 1884 jusqu’à 1975, auprès des autorités académiques, c’est-à-dire des autorités de tutelle, équivalent de ce que vous pouvez avoir dans les cantons suisses. On peut dire que de 1880 jusqu’à 1955-60, on ne trouve pas une seule trace de protestations des familles contre les programmes, contre la pédagogie, contre les attitudes des instituteurs, y compris contre l’usage des châtiments corporels. Les seules protestations qui émanent des familles concernent la qualité de la nourriture à la cantine ou l’absence de chauffage, ce sont des protestations très importantes puisque à l'époque les écoles étaient mal entretenues. Elles concernent aussi quelques tout petits et très minoritaires problèmes de mœurs. Autrement dit, jusqu’en 1960-65, les familles ne se mêlent pas de pédagogie. Et, dans l’histoire spécifique de l’institution scolaire française, il y a un évènement qui va servir de déclencheur à l’introduction des familles dans le débat éducatif, c’est un évènement très largement fantasmatique - mais chacun sait que les fantasmes sont sociologiquement tout à fait décisifs. C’est la publicité faite à l’introduction de ce que l’on a appelé « la méthode globale » pour l’apprentissage de la lecture. C’est le premier évènement qui va déclencher, chez les parents une volonté d’intervenir dans la gestion même de l’école, y compris sur le plan pédagogique. Les premiers courriers que j’ai trouvés témoignant d’un interventionnisme des familles sur l’école, émanent précisément de parents qui s’insurgent contre l’usage de la méthode globale. Dans la plupart des cas, ces parents protestent en dépit du fait que la méthode globale n’est pas utilisée dans les classes de leurs enfants. Mais, il y a un mouvement d’opinion, sans doute très fort dans les années 60, qui laisse penser que la méthode globale déferlerait partout, qu’on n’apprendrait plus à déchiffrer aux élèves et qu’à partir de là on formerait des générations d’analphabètes. Peu importe d’ailleurs l’élément déclencheur, ce qui est important c’est que, depuis lors, la montée en puissance de ce que l’on pourrait appeler l’interventionnisme des familles dans l’école est une montée en puissance exponentielle qui, d’année en année, croît avec une rapidité considérable.

 

Je ne sais pas ce qu’il en est de la situation helvétique, mais ce que je peux dire sur la situation française, c’est que les chiffres sont assez hallucinants. Dans les six dernières années, les recours des parents devant les décisions des enseignants (de redoublement ou d’orientation) ont été multipliés par plus de vingt. Sur ces recours, on estime qu’environ deux sur trois ont satisfaction. De plus, on observe qu’en dehors de ces recours statutaires, qui sont effectués par des parents relativement bien informés des règles et du fonctionnement scolaire, nous avons toute une série de « recours d’influence » qui sont souvent effectués par les travailleurs sociaux pour les enfants des familles populaires, qui considèrent qu’il est tout à fait injuste que seul les enfants des familles fortunées bénéficient de défense et de recours au sein du système scolaire. On pourrait multiplier les exemples en termes d’orientation précoce, par exemple. Depuis 5 ou 6 ans, en France, nous voyons fleurir un peu partout des classes pour élèves dits « surdoués ». Depuis 5 ou 6 ans en France, dès la première année de secondaire, alors que la loi interdit la constitution de classes homogènes, les établissements introduisent subrepticement des classes bilingues, européennes, scientifiques ou artistiques, qui permettent à ceux qui savent que l’on s’y retrouve entre soi, entre « gens bien », entre enfants de parents qui lisent « Le Monde » et « Télérama », d’échapper d’une manière efficace à l’hétérogénéité sociale qui devrait être la règle si l’on en croit les textes officiels.

 

Ne parlons pas de ce qui se passe après le baccalauréat. J’ai fait récemment une enquête sur les villes de Paris et de Lyon qui montre l’accélération fabuleuse de ce que nous appelons les fausses classes préparatoires aux grandes écoles. Vous savez que la France a cette particularité de disposer, à côté de ses universités, de grandes écoles qui sont préparées dans ce que l’on appelle des « classes prépa ». Il faut savoir que, sur une ville comme Paris, dans les cinq dernières années, les établissements privés catholiques ont ouvert 600 fausses classes préparatoires aux grandes écoles permettant à leurs élèves d’échapper à l’Université. Ils échappent à l’Université puisque ces classes préparatoires aux grandes écoles préparent, contrairement à ce qu’elles prétendent, aux diplômes universitaires et non pas aux grandes écoles. Elles ne préparent pas le concours d’entrée, elles ne font qu’afficher le fait qu’elles le préparent. Et elles sont, par ailleurs, sous convention avec les universités publiques. Universités publiques qui leur délivrent leurs diplômes de façon dérogatoire et en y retrouvant leur intérêt, puisqu’elles touchent de l’argent pour des étudiants qu’elles non pas à scolariser. Ainsi, grâce à une scolarité qui est de l’ordre de 15'000 à 30'000 francs français par an, les familles qui mettent leurs enfants dans ces fausses classes préparatoires aux grandes écoles, ont la garantie que leur fils et leur fille seront dans des classes de 30 élèves avec des professeurs agrégés qui seront payés royalement pour faire cela en plus de leur travail de professeurs agrégés… et qui n’en signeront pas moins toutes les pétitions possibles contre la libéralisation galopante du système éducatif.

 

Nous avons donc un effondrement du modèle « école institution » au profit d’une montée fabuleuse du modèle « d’école service ». Ça rend la situation très difficile et, en particulier, à ceux et celles, vous comme moi, qui cherchons à échapper à cette logique de service, à cette logique de marché. Nous nous demandons comment nous pourrions bien retrouver, d’une manière un peu précise, de quoi fonder une institution. Car le problème de l’institution, c’est qu’elle n’a pas le marché comme instrument de régulation, elle a des valeurs comme principes, comme fondement axiologique. La difficulté, c’est qu’on ne peut pas maintenir une « école institution » contre « l’école du marché », si l’on ne sait pas à quel principe fort l’adosser.

 

Un des paradoxes extraordinaires de l’école française, c’est que, étrangement, les écoles catholiques disposent – au moins en théorie - de beaucoup plus de facilité pour résister au marché que les écoles publiques. Pourquoi ? Parce que les écoles catholiques peuvent toujours, quand les parents font une pression importante, dire : « Attendez, nous on a la référence de l’Evangile : le souci du plus pauvre passe avant la sélection sociale ». Elles ont des valeurs à afficher… même si elles ne le font pas toujours.

 

Le problème de l’école publique, c’est qu’elle n’a plus guère de valeurs à afficher. Et, quand on n’a plus de valeurs à afficher, on n’a plus rien à opposer à la vague de déferlante de la demande consumériste. Certains chefs d’établissements sont aujourd’hui dans une situation extrêmement complexe, avec des élèves qu’il est obligé de « ghettoïser » à l’interne pour ne pas se retrouver lui-même « ghettoïsé » à l’externe : il ne sait pas que dire aux parents qui viennent le voir et qui lui disent : « Ecoutez, Monsieur, je ne laisse mon enfant dans votre établissement que si vous me le sortez de cette 6ème E et que si vous me le mettez dans la 6ème A, avec les bons élèves et les fils d’enseignants… sinon je l’envoie ailleurs. » Que peut dire le chef d’établissement à une famille qui lui dit cela ? Peut-il vraiment lui répondre : « Madame, Monsieur, la mixité sociale est une richesse et l’hétérogénéité des classes une expression de la devise de la République –Liberté, Egalité, Fraternité - dont je suis le garant. » Qui croit encore ce discours-là ? Quand je travaille avec des chefs d’établissements de banlieues, ils me disent parfois que, sur 600 à 800 élèves, ils ont de l’ordre de 40 à 60 élèves dont ils pensent qu’ils pourront à peu près s’en sortir. Ces chefs d’établissements me demandent alors : que faire avec ces 40 ou 60 élèves ? Soit on les met dans une bonne classe, dans un coin tranquille où il n’y aura pas trop de chahut. On se débrouille pour enlever tous les gêneurs. On leur donne les quelques professeurs dont on sait qu’ils tiendront le coup et qu’ils ne craqueront pas en cours d’année. Et puis on laisse les autres de leur côté… A ce moment-là on a peut-être des chances de garder ces 40 à 60 élèves. Mais, si on les mélange avec les autres, en deux ans on les aura tous perdus.

 

Quelles valeurs pouvons-nous opposer à cette logique infernale ? Qu’est-ce qu’on peut dire en termes d’axiologie collective qui puisse être mis en avant pour refuser cette marche forcée vers une politique de « l’école marché » ? Nous ne pouvons nous opposer à cette fuite en avant que si nous réinventons ensemble un « bien commun » pour l’école.

 

C’est pourquoi, si nous voulons faire face, résister à cette montée de « l’école marché », avec tous les éléments que je viens d’indiquer du primaire au supérieur, il nous faut disposer d’un référent. Il nous faut dire au nom de quoi nous voulons y résister. Or, le bien commun est difficile à réinventer aujourd’hui ; il est d’autant plus inaccessible dans une institution scolaire où chacun est plutôt à la recherche de ses intérêts individuels. Et j’ose dire : même nous. Chacun d’entre nous, en tant que parents, nous savons bien que si nous avons à choisir, nous choisirons, dans la situation actuelle, ce qui est le plus favorable pour nos propres enfants. Et nul ne peut nous jeter la pierre. Nul ne peut dire à quelqu’un qui fait cela qu’il est un mauvais citoyen, qu’il est anti-démocrate, qu’il est anti-républicain… simplement parce qu’il cherche à préserver ses enfants de situations difficiles et à ménager leur avenir.

 

Nous ne sortirons donc pas de la situation en stigmatisant les comportements individuels. A fortiori, en organisant une police des dérogations à la carte scolaire. De telles pratiques conduiraient inévitablement à renforcer encore l’opposition entre les enseignants et les parents. Le véritable enjeu est politique : il consiste à mettre en place des moyens qui permettent de passer d’une école centrée sur la somme des intérêts individuels à une école centrée sur le bien commun.

 

Ce n’est pas dans le pays de Rousseau que je vais m’aventurer dans un exposé détaillé sur « le pacte social » ; néanmoins, quelques mots pour dire que cette absence de continuité entre la somme des intérêts individuels et le bien commun, est une rupture fondamentale qui pourrait peut être représenter une première plate-forme en termes d’accord.

 

Car, c’est peut être là, au fond, que se situe la frontière entre le libéralisme, dans tous les sens du mot, et une forme d’organisation politique que l’on veut à la fois plus humaine et plus régulée : une forme d’organisation républicaine. Car, la « res publica » est précisément une forme d’organisation politique qui affirme clairement que la somme des intérêts individuels ne permet pas d’accéder au bien commun mais qui, pour autant, ne considère pas ces intérêts individuels comme illégitimes. Elle invite à les confronter, à les dépasser, à s’exhausser au-dessus d’eux dans des instances où l’interargumentation rigoureuse prend le pas sur les rapports de force…Chacun d’entre nous a légitimement le souci de trouver les meilleures conditions de scolarisation pour son enfant. Nous n’avons pas à nous culpabiliser pour cela. En revanche, en tant que corps politique, nous avons à nous poser les questions qui concernent le choix des valeurs qui régissent l’organisation du système éducatif et scolaire.

 

Et - ce sera ma cinquième série de remarques - un « bien commun pour l’école », ça pourrait être, ce que Jürgen Habermas appelle le « patriotisme constitutionnel ». Habermas montre très pertinemment, à mon sens, que l’école que nous avons connue en France s’est très largement construite sur le patriotisme. Et Habermas considère que le « patriotisme », en tant qu’adhésion à une sorte d’ « idée commune », est une nécessité : c’est lui qui est constitutif du corps social dans son unité. Ce qu’il ajoute simplement, c’est que nous ne pouvons plus aujourd’hui fonder le patriotisme sur une adhésion à des contenus spécifiques de certains groupes sociaux, mais que nous ne pouvons le fonder sur une adhésion à des structures. C’est-à-dire sur une adhésion à une forme, sur une adhésion à ce qui permet précisément l’expression de la socialité. C’est une espèce de « kantisme sociologique » que nous retrouvons chez Habermas, qui fait du patriotisme l’objet de la condition de possibilité même de l’organisation sociale. Ce que nous avons à aimer, c’est moins telle ou telle organisation sociale, dit Habermas, que les conditions de possibilité de l’existence d’une organisation sociale, c’est-à-dire d’une sociabilité entre les hommes. Ce « patriotisme constitutionnel » pourrait effectivement s’organiser autour de deux pôles. D’une part, il doit comporter la recherche de ce que j’appellerais une « culture commune », ce qui n’implique pas l’éradication des cultures spécifiques, mais impose de trouver des langages permettant, en dépit de la diversité des uns et des autres, de se parler, de se comprendre et de travailler ensemble. D’autre part, à côté de cette culture commune, il nous faut construire un rapport commun à la Loi fondatrice du sursis à la violence et susciter l’adhésion de chacun à cette Loi. Certes, pour cela, l’expression de « patriotisme constitutionnel » peut apparaître un peu excessive. Mais elle signifie la capacité à faire adhérer - parce qu’il y a bien de « l’adhésion » nécessaire dans la constitution du corps social - les individus à une valeur transcendante qui n’est plus du registre nationaliste, mais qui est de l’ordre de ce qui rend possible ce qu’Emmanuel Levinas appelle « la paix » entre les hommes. C’est-à-dire la coexistence pacifique d’individus dans des institutions qui ne se limitent pas à la juxtaposition d’entités communautaires.

 

Ainsi, le patriotisme constitutionnel pourrait être l’objectif majeur de l’école. Cela ne veut pas dire qu’à ce moment-là l’école écarterait la possibilité pour les gens d’avoir des affinités électives mais cela signifie qu’elle focaliserait son effort sur le sursis à la violence, la construction de la loi, l’acquisition des langages fondamentaux, l’identification de ce qui réunit les hommes en dehors de leurs différences.

 

A partir de là, peut-être pouvons-nous voir émerger quelques principes pédagogiques que je vais rapidement tenter d’évoquer dans ma sixième et dernière partie ? Ce seraient, en quelque sorte, les principes pédagogiques pour un « monde commun », selon la célèbre formule d’Hannah Arendt. Dans Condition de l’homme moderne, elle prend la métaphore des joueurs de cartes et elle explique que nous sommes dans une situation étrange aujourd’hui : compte tenu de la rapidité avec laquelle s’effectuent les mutations transgénérationnelles, compte tenu de l’accélération vertigineuse des savoirs, etc. nous sommes dans la situation de joueurs qui verraient la table sur laquelle ils jouent disparaître, s’évaporer. Et, comme la table disparaît, les joueurs de cartes n’ont plus qu’une seule solution, c’est de se jeter les cartes à la figure. Alors, pour une école qui mettrait le patriotisme constitutionnel au cœur de son projet, le grand défi, c’est de reconstruire la table… pour que l’on puisse à nouveau jouer, parler, échanger et que l’on n’en vienne pas systématiquement à l’injure, à la violence ou à l’indifférence réciproque.

 

Pour illustrer cette « pédagogie du monde commun », je vais énoncer dix éléments qui me paraissent essentiels. Dix principes susceptibles de nous aider à sortir de cette alternance effrayante, de cette oscillation infernale entre le consumérisme scolaire et l’irresponsabilité sociale.

 

 

POUR "UNE PÉDAGOGIE DU MONDE COMMUN"

 

1/ Contre la « pédagogie bancaire »

 

 

… pour une « pédagogie du sens »

 

2/ Contre la « pédagogie du produit »

 

… pour une « pédagogie du processus »

 

 

3/ Contre une « pédagogie des règlements arbitraires »

 

… pour une pédagogie de la « construction de la loi »

 

 

4/ Contre une « pédagogie de la sujétion »

 

… pour une « pédagogie de la construction de l’objet » et de l’apprentissage du débat

 

 

5/ Contre une pédagogie du rapport de forces « parents/professeurs »

 

… pour une « pédagogie de la spécificité et de la complémentarité des rôles »

 

 

6/ Contre une pédagogie des « parents usagers »

 

… pour une pédagogie des « parents citoyens »

 

 

7/ Contre une « pédagogie de la concurrence »

 

 

… pour une « pédagogie du recours »

 

9/ Contre une « pédagogie libérale »

 

…pour une « pédagogie de la qualité »

 

 

10/ Contre une « pédagogie de l’isolement dans le confort »

 

…pour une « pédagogie de la solidarité active »

 

 

Premier principe : contre une pédagogie bancaire, promouvoir une pédagogie du sens. Une pédagogie du sens, c’est-à-dire une pédagogie qui s’attache à dégager des savoirs qui font sens pour les élèves et non pas simplement qui sont utiles pour celui qui se les approprie. Je crois qu’il est temps que la pédagogie accepte l’apport anthropologique qu’elle a trop longtemps considéré comme mineur. Quand Claude Lévi-Strauss écrit, à propos des peuples primitifs dans La pensée sauvage, que « les choses ne sont pas connues pour autant qu’elles sont utiles, mais qu’elles sont déclarées utiles pour autant qu’elles sont connues », il énonce, me semble-t-il, sur le plan symbolique, quelque chose qui est absolument essentiel dans la construction du lien social. A savoir la priorité du symbolique sur le fonctionnel. La priorité du sens sur le marché, la priorité de ce qui répond aux questions fondatrices de l’humain, par rapport à ce qui est du ressort de la réussite immédiate dans des entreprises à court terme.

 

Je suis convaincu que nous avons un énorme travail à faire pour que les élèves accèdent à l’école en ayant le sentiment que ça n’est pas un supermarché. Pour qu’ils accèdent à l’école convaincus que les savoirs qu’ils vont y découvrir s’inscrivent profondément dans leur histoire et sont une manière, au-delà des générations, au-delà des différences qu’ils ont entre eux, de les réunir dans une quête commune d’universalité. Dit comme ça, cela peut paraître très prétentieux, mais prenons quelques exemples très élémentaires, très simples. Mon collègue, Michel Develay, cite souvent l’exemple de la petite fille de huit ans à qui la maîtresse explique : « Voilà une graine, on la plante, elle fait un arbre et cet arbre fait des graines qu’on plante et qui font des arbres et ainsi de suite ». Puis la petite fille dit : « Madame, et la première graine ? ». Et la maîtresse lui répond : « Tais-toi, tu ne peux pas comprendre, tu poseras cette question quand tu seras grande ». On a tendance à juger la maîtresse un peu durement. Mais si nous avions été dans cette situation, qu’aurions-nous fait ? Nous savons gagner du temps : « C’est une très bonne question ». Mais après ? Après nous sommes bien ennuyés parce que nous avons le sentiment que, au fond, l’école a perdu les questions ; elle n’enseigne plus que des réponses. Et elle enseigne des réponses déconnectées des questions qui les ont fait émerger. Et ainsi, au bout du compte, l’enfant ne vient plus à l’école que pour apprendre à passer des examens et à faire les exercices que l’école lui propose de réussir.

 

Je crois que si l’on veut lutter contre la pédagogie bancaire, lutter contre le triomphe du marché, si l’on veut lutter contre l’école supermarché, il faut d’abord et avant tout, inscrire l’acte pédagogique dans sa dimension anthropologique. Ce que j’enseigne n’est pas d’abord un moyen de réussir une épreuve, c’est d’abord un moyen d’y voir plus clair, de mieux comprendre les questions que je me pose, que nous nous posons, que l’humanité se pose et que nous nous posons les uns les autres, en dépit de nos différentes appartenances culturelles, de sensibilité sociale, philosophique ou religieuse. Que ce soit les mathématiques ou la géographie, peu importe ; que ce soit le français ou l’histoire, toutes les disciplines scolaires ont été créées, ont été construites par les hommes pour répondre à des questions fondamentales.

 

Patrick Mendelshon raconte cette anecdote découverte dans les archives de Berne : des soldats s’étaient perdus sur la frontière, quelque part dans les Alpes. Ils étaient désespérés. Ils trouvent alors un morceau de carte au fond d’un sac à dos. A partir de ce morceau de carte, ils réussissent à regagner un village et leur cantonnement. Or, au cantonnement, on observe cette carte et on s’aperçoit que… c’est une carte des Pyrénées. On voit bien qu’ici « le symbolisme surdétermine le fonctionnel ». Et c’est vrai, la carte exerce une fascination sur tous les enfants et sur tous les hommes qui n’est pas du tout d’ordre technique ; c’est une fascination qui renvoie à la question anthropologique : où est ma place, où est mon territoire, où est le territoire de l’autre ? Vous-mêmes, Mesdames et Messieurs, vous adorez regarder les cartes, voyager sur des cartes. Nous sommes tous fascinés par les vieilles cartes, les vieilles mappemondes et les vieux manuscrits qui nous décrivent des villes englouties et des trésors perdus. Mais l’école, pour autant, n’est pas capable de nous faire aimer la géographie et il nous faut aller voir « Indiana Jones » pour retrouver le goût des cartes ! Comment l’école a-t-elle pu faire autant d’élèves ne supportent pas la géographie, alors que tous les enfants qui la fréquentent ont autant de mal à trouver leur place et à leur chemin ? C’est sans doute parce que la géographie n’a pas été inscrite dans ce que j’ai appelé sa dimension anthropologique, mais qu’elle a été réduite à une dimension bancaire, à un savoir fossilisé dans un échange, où l’on apprend simplement pour restituer le jour de la composition et pour oublier ensuite.

 

Deuxième principe : contre la pédagogie du produit, développer une pédagogie du processus. La pédagogie du produit c’est celle qui s’en tient à ces choses visibles que sont les copies ou les productions des élèves. Produits visibles, infiniment utiles et éminemment nécessaires, mais qui nous font parfois oublier que le plus important n’est pas ce que l’on peut observer, que ce n’est pas la copie produite par l’élève, c’est ce qu’il aura acquis et construit à l’occasion du travail sur cette copie. Et quand je dis cela, je ne dis pas une banalité. Je dis quelque chose qui renverse radicalement ce qui se passe dans la plupart des classes françaises où la copie devient l’objet en soi, où l’on est persuadé que c’est la copie qui compte et donc, par exemple, que l’on peut copier sur son voisin : ça n’a pas d’importance, puisque c’est le résultat et la note qui seront véritablement retenus. Or l’enseignant, lui, doit incarner une exigence complètement différente : pour lui, le résultat n’est qu’un « indicateur » accessoire, l’important, c’est quelque chose d’infiniment plus durable, d’infiniment plus profond, d’infiniment plus permanent, c’est ce que chaque élève a construit dans ta tête et acquis à l’occasion du travail qu’il a effectué sur une copie, à l’occasion de la réalisation d’une maquette, d’un dessin, d’un journal ou de n’importe quelle autre activité scolaire.

 

Une école qui évalue les produits et n’évalue pas les progressions est une école qui érige  le marché en méthode de fonctionnement pédagogique. Elle peut bien dénoncer, par ailleurs, toutes les manipulations des multinationales, elle fait la même chose. Evaluer les produits et ne pas voir en quoi ces produits sont occasion de progression, ne pas identifier les progressions et s’y attacher avant tout, c’est effectivement mettre l’objet à la place du sujet, au cœur du dispositif. Ce qui veut dire que la question de l’évaluation est évidemment une question centrale.

 

Troisième principe : contre une pédagogie des règlements arbitraires pour une pédagogie de la construction de la Loi. Je crois que, là aussi, une école qui impose des règlements arbitraires, aujourd’hui, ne peut plus fonctionner. Elle ne peut plus fonctionner parce qu’elle ne sait plus que promettre en échange du respect de ses règlements. Il y a quelques années, une dizaine d’années encore, l’école pouvait dire à un élève : « Travaille, tiens-toi tranquille, et tu réussiras ». Aujourd’hui, chacun sait bien que l’on peut dire : « Travaille, tiens-toi tranquille… » mais que si l’on ajoute « tu réussiras ! », tout le monde va en douter. On a trop de contre-exemples sous les yeux.

 

La promesse scolaire, après avoir massivement joué sur la mobilité sociale, est aujourd’hui épuisée jusqu’à la corde. On ne peut plus promettre la mobilité sociale en échange de l’obéissance aux règles scolaires. Ça ne trompe plus personne. Donc, l’obéissance aux règlements ne peut se construire que dans la menace. Et, contre la menace ou le dressage, ce qui est important, pour lutter contre l’école du marché, c’est de travailler ensemble, au quotidien, à la « construction de la Loi ». La construction de la Loi, c’est la mise en place du sursis à la violence, du débat démocratique, de la capacité de parler entre soi. Cela suppose de mettre en place des rites. Ça ne se fait pas comme ça miraculeusement. Il faut y travailler au quotidien. C’est extrêmement étonnant de voir comme notre société bascule dans un juridisme extraordinaire quand il s’agit des adultes, auquel elle oppose un idéalisme total quand il s’agit des enfants. Quand deux paysans se disputent un mètre carré de terrain, il faut, en général, trois à quatre ans de procédure, plusieurs mètres cubes de dossiers, des procureurs et des juges, un jury, des greffiers et toute une série de personnes entogées pour que les deux paysans n’en viennent pas aux mains et éventuellement trouvent un accord. Mais, quand deux élèves ont des difficultés à se parler, on se contente de leur dire : « Ecoutez-vous tranquillement. Ecoutez-vous tranquillement ! ». L’exhortation semble nous suffire lorsqu’il s’agit d’éducation ou de formation alors que nous mesurons au quotidien, quand il s’agit de justice, par exemple, que la mise en place et le respect d’un un rituel sont absolument nécessaires.

 

Quatrièmement principe : contre une pédagogie de la sujétion, pour une pédagogie de la construction progressive de l’objet. Un objet, ce n’est pas un donné pour un enfant. Vous savez qu’un enfant, dans les premiers mois de son existence, ne sait pas ce que c’est qu’un objet extérieur à lui. L’enfant pense que l’objet existe à l’intérieur de sa propre pensée et que sa pensée peut transformer l’objet. L’enfant pense que si les nuages passent au-dessus de son berceau et qu’il se met à faire froid, c’est qu’il a fait une bêtise et que les nuages sont là pour le punir. L’enfant ne sait pas qu’il existe, dans le monde, des relations que je ne nommerai pas objectives mais « objectales » : il y a des événements extérieurs à lui qui ne dépendent pas de lui. Tout ce qui se passe est interprété.

 

Cette petite fille, avec laquelle s’entretenait une de mes étudiantes récemment, illustre bien cette difficulté de construire une relation objectale. La maîtresse lui dit : « Ton père a acheté une voiture 60'000 FF, il la revend 50'000 FF, combien a-t-il perdu ? ». La petite fille lui répond : « Nous n’avons pas 60'000 francs… Et puis, on achèterait une voiture de 60'000 francs, on ne la revendrait pas 50'000. De toute façon, je ne peux pas faire le problème car je n’ai pas de père ». C’est très émouvant. Moi, ça me touche beaucoup que cette petite fille dise cela. Mais cela veut dire qu’elle vit dans un monde où l’exercice scolaire n’a aucune extériorité par rapport à sa propre subjectivité personnelle. C’est-à-dire que sa subjectivité et tous les problèmes qu’elle trimbale viennent en quelque sorte enfermer complètement l’ensemble des problèmes scolaires qui lui sont proposés. Et tout est réinterprété sur le mode de sa psychologie propre.

 

Or, le rôle de l’école c’est, précisément, la construction de l’objet. C’est la construction de l’articulation sujet-prédicat : « De quoi je parle ? »  et « Qu’est-ce que j’en dis ? ». Il faut que nous puissions dire de quoi nous parlons, pour que nous puissions en dire quelque chose et confronter ce que nous en disons. « La terre tourne autour du soleil » : de quoi je parle ? De la terre. Et qu’est-ce que j’en dis ? Je dis qu’elle tourne autour du soleil. La configuration sujet-prédicat est la configuration structurante du rapport à la réalité. Je dois dire quel est mon « sujet » et qu’est-ce que je dis » de ce sujet ? Car, ce sujet, j’en dis quelque chose que je confronte à ce que l’autre en dit et, de cette confrontation, naît progressivement quelque chose qui peut ressembler, si ce n’est à l’objectivité, du moins à l’objectalité. C’est pourquoi je crois que l’expérimentation scientifique dans la classe, par exemple, est un moyen extrêmement important de développer un rapport à l’objet qui soit un rapport de construction et qui ne soit pas un rapport de sujétion. Qui fasse aussi que l’objet, dans son extériorité, ne soit pas posé comme étant, fantasmatiquement, complètement incorporé dans le sujet.

 

Nous dénonçons la société marchande et ses méthodes publicitaires. Quel est l’objectif de la publicité ? C’est d’incorporer l’objet à la personne, c’est-à-dire de casser ce rapport d’objectalité : « Vous êtes jeune, vous avez les bas « machin », le parfum « truc », l’objet est en quelque sorte incorporé en vous. Et si vous n’incorporez pas l’objet, vous n’êtes pas sujet ». Quel est le travail de l’école ? C’est de désincorporer l’objet. C’est de l’objectaliser. C’est de poser l’objet dans son extériorité pour qu’on puisse en parler. Pour qu’on puisse exercer sur l’objet un regard critique, discuter sur cet objet. C’est d’expérimenter la résistance des choses à la toute-puissance de notre imaginaire.

 

Cinquième principe : contre une pédagogie du rapport de force parents-professeur et pour une pédagogie de la complémentarité des rôles : les parents c’est la filiation ; l’école c’est l’instruction. Si nous voulons que les parents fassent vraiment leur travail, ne leur demandons pas de faire le nôtre. Nous ne pouvons pas simultanément dénoncer l’interventionnisme des parents dans l’école et renvoyer une partie essentielle du travail des élèves à la maison, sous la responsabilité des familles ou des répétiteurs qu’elles peuvent payer. Ce sont deux attitudes qui sont incompatibles. Si nous dénonçons l’interventionnisme des parents, alors soyons des professionnels de l’apprentissage et ne renvoyons pas aux familles la responsabilité d’apprentissages absolument essentiels, comme ces apprentissages méthodologiques déterminants que sont : apprendre une leçon, réviser un contrôle, faire une carte, lire un livre, préparer un exposé, faire une fiche de lecture et toute autre chose que l’on va généralement faire à la maison, après avoir reçu quelques vagues consignes en classe.

 

Sixième principe : contre une pédagogie des parents usagers et pour une pédagogie des parents citoyens. Je crois que la responsabilité des syndicats, des forces sociales et politiques est de s’interroger sur les modes de représentation des parents dans l’école. En France, par exemple, dans les conseils de classe qui décident de l’orientation des élèves, il y a des parents élus et je m’en réjouis. En revanche, je suis partisan que ce ne soit pas des parents élus parmi les parents d’élèves de la classe. Mais que ce soit plutôt des parents élus qui ne représentent pas « les intérêts des usagers » mais qui incarnent le point de vue des « parents citoyens ». Il y a toute une réflexion à mener pour, effectivement, permettre aux parents de s’exprimer dans les écoles, comme citoyens et non pas comme usagers.

 

Nous ne pouvons pas simultanément, en effet, reprocher aux parents de ne s’exprimer que comme usagers et ne leur donner que des occasions de s’exprimer comme usagers, en revendiquant sur les notes, en défendant leurs enfants, etc. Si nous cantonnons nous-mêmes les parents dans des revendications d’usagers, ils ne s’exprimeront pas comme citoyens. Nous avons donc à inventer de toute urgence des structures scolaires pour que les parents puissent s’exprimer comme citoyens et pas seulement comme des usagers. Et c’est un vrai travail de fond qui me paraît conditionner la construction de l’institution dont je parlais tout à l’heure.

 

Septième principe : contre une pédagogie de la concurrence et pour une pédagogie du recours. La pédagogie de la concurrence, c’est ce à quoi nous assistons actuellement. Des établissements mis systématiquement en concurrence les uns avec les autres dans un véritable marché scolaire. Quand j’évoque une « pédagogie du recours », cela signifie qu’au sein de l’établissement scolaire, un élève en difficulté avec un enseignant doit pouvoir aller trouver un autre enseignant pour lui en parler. Ça n’est pas de la concurrence, c’est du recours. C’est d’ailleurs un recours auquel font appel tous ceux qui peuvent se payer des répétiteurs privés ou tous ceux dont les parents ont acquis suffisamment de culture pour pouvoir jouer ce rôle. Si nous n’installons pas nous-mêmes les recours dans l’école, nous laissons se créer la concurrence entre les écoles. S’il n’y a pas des recours pour l’élève qui n’a pas compris, pour l’élève qui veut faire relire sa dissertation, pour l’élève qui veut qu’on lui ré explique sa leçon, s’il n’y a pas des recours au sein de l’institution, c’est inévitablement à l’extérieur et dans les formules privatisées que ce recours va se développer. Et je crois que, là, il faut être extrêmement clair : si nous voulons véritablement lutter contre l’école du marché, il faut réfléchir à des recours au sein de l’école, de telle manière à ce que les élèves et leurs familles n’aillent pas chercher à l’extérieur de l’école, dans un système de concurrence privée et payante, ce que l’école ne leur donne pas. Tant que le recours ne sera pas dedans, ils iront le chercher à l’extérieur et nous ferons le lit des officines privées de soutien scolaire, nous encouragerons cette floraison de pseudo manuels scolaires qui aujourd’hui se substituent aux véritables livres « Comment réussir à… », « Comment faire une dissertation… », « Comment apprendre à lire… », « Comment faire ceci ou cela… le plus vite possible et en investissant le moins possible d’énergie ? »

 

Huitième principe : contre une pédagogie du palmarès, pour une pédagogie de l’évaluation plurielle et négociée. Si on veut lutter contre l’école supermarché, il me semble que, à l’école des palmarès, à l’école où l’on publie des résultats bruts de réussite aux tests ou aux examens, comme on le fait en France, il faut substituer une école de l’évaluation plurielle et négociée. Je ne suis pas hostile à ce que l’on évalue les établissements. En France, par exemple, je ne suis pas hostile à ce que l’on évalue les lycées. Mais actuellement, qu’est-ce que c’est l’évaluation des lycées ? C’est l’évaluation des résultats au baccalauréat, même pondérée par un certain nombre de variables sociologiques ainsi que par les taux d’exclusion ou de redoublement. Je suis partisan qu’on ne s’en tienne pas là mais qu’on associe les parents et les élèves et qu’on fasse une véritable évaluation plurielle, prenant en compte tout un ensemble de critères diversifiés. L’accueil des parents, la participation des élèves à la vie démocratique, la relation avec le tissu associatif de proximité, la richesse du centre de documentation, la qualité de l’ouverture culturelle, les locaux, etc… tout cela doit être pris en compte. Et il faut donner une indication sur chacun des critères, avec des objectifs de progression à respecter. On peut ainsi négocier, en interne, sur les priorités. On ouvre ainsi le champ pour faire de l’évaluation un outil de pilotage concerté et non pas un outil de classification au service de la concurrence et du marché.

 

A partir du moment où, sur un établissement, nous n’avons plus un seul critère (les résultats scolaires interprétés à travers une seule grille de lecture), mais un ensemble d’items, on va pouvoir négocier les indicateurs utiles et, sur ces indicateurs, apporter des éclairages différents. Les établissements pourront alors s’emparer des ces éléments pour progressivement améliorer la qualité du service public d’éducation auquel ils participent. Il me que c’est la seule solution, parce que décréter qu’on ne va plus classer les établissements, c’est de la pure hypocrisie. Tout le monde classe les établissements, vous les premiers. Le problème n’est pas de décréter qu’on ne va plus les classer, le problème est de les classer sur d’autres types de critères que le seul critère obtus, limité et biaisé méthodologiquement, qu’est celui des résultats scolaires traditionnels. Le problème est de substituer à ce que j’appelle la pédagogie des palmarès, la pédagogie d’une évaluation plurielle et négociée.

 

Neuvième principe : contre une pédagogie que j’appelle libérale, une pédagogie de la qualité. Je m’adresse plus particulièrement ici aux décideurs du système éducatif français qui ne sont pas là. Mais s’il y a des décideurs du système éducatif helvétique, peut-être pourront-ils transposer quelques éléments.

 

Un des problèmes majeurs du système éducatif qui alimente le plus ce que j’ai appelé, d’une manière caricaturale, le libéralisme, c’est le fait que l’innovation, dans toutes ses formes et, en particulier, sous ses formes les plus élaborées et généreuses, n’est pas prise en compte par la hiérarchie. Or, à force de ne pas la prendre en compte, on finit par décourager les innovateurs, voire à les inviter à aller faire ce travail dans le privé… puisque le secteur public n’en veut pas. Un des problèmes de l’institution scolaire, c’est de savoir si elle saura intégrer ses propres innovateurs, ses propres élites, au lieu de considérer que tout ce qui bouge, change les habitudes, modifie les façons de penser, doit être écarté et peut-être même doit être pénalisé.

 

Quand j’ai pris la direction de l’Institut national de Recherche pédagogique, je me suis donné un objectif très symbolique, mais qui pour moi a un vrai sens. Je considérerais comme un échec patent, très grave, si aujourd’hui, en 1999, un Célestin Freinet devait ouvrir une école privée parce que l’enseignement public ne lui permettrait pas de travailler et de faire part de la qualité de ses innovations en son propre sein… Je crois que, si nous voulons éviter la privatisation de l’innovation, il faut accepter d’aider d’une manière préférentielle les gens qui travaillent et qui produisent de la qualité dans le service public. Ce n’est pas cela la privatisation. Mais c’est l’ignorance de cela qui fait le lit de la privatisation.

 

Dixième principe : contre une pédagogie de l’isolement dans le confort et pour une pédagogie de la solidarité active. L’isolement dans le confort ne vise nullement la situation helvétique, en dépit de ce que quelques mauvaises langues pourraient imaginer. Cela vise, plus généralement, l’ignorance dans laquelle nous nous tenons au regard des immenses problèmes des pays du Sud en matière éducative. J’espère que, dénonçant les effets de « l’école du marché », et regrettant ensemble, comme je l’ai entendu ce matin, que 50% de la planète ait soif, nous serons capables de les abreuver, si ce n’est d’eau, du moins d’informations pédagogiques pour qu’ils ne se laissent pas manipuler par une information pas trop unilatérale.

 

Je termine en disant qu’il n’y a pas pour moi incompatibilité entre le combat politique et le combat pédagogique. Bien au contraire : il y a non seulement conjonction nécessaire, mais exigence impérieuse de mettre en cohérence nos actions au quotidien au plan pédagogique et nos prises de positions politiques. A ce titre, entre les partis politiques d’un côté, et les mouvements pédagogiques de l’autre, des syndicats comme le vôtre peuvent jouer un rôle tout à fait essentiel.

 

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