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Cette phrase-clé ouvre chaque matin
dans ma classe un moment d'entretien souvent très riche. Voici par exemple ce
que j'ai pu noter sur le "cahier du quoi de nouveau" le 13 Mai 1984.
(je précise avant de commencer qu'il s'agit là d'un entretien que je
qualifierai de très bon pour le "niveau" de la classe.)
Corinne : J'ai porté des livres
(série de TV-journal). (Elle les montre et les présente très succinctement à la
classe.) Si vous voulez les lire, je les donne à la classe.
- A
quoi ils servent ces livres ? (Maurice)
- A
rien, j'sais pas. C'est tout.
(Ici,
rien d'extraordinaire pour le lecteur. Mais si l'on sait que Corinne, 12 ans, a
dit à chaque entretien, depuis septembre : "Hier, j'étais chez moi, j'ai
joué à la poupée, ou avec mon frère.", et que c'est une enfant qui, à la
limite de la débilité profonde, a un comportement étranger à la classe, on peut
imaginer ma surprise !)
Dominique : J'ai apporté des pots de
yaourt pour les plantes. Qui c'est le responsable du rangement ? On les a
mangés à la maison d'enfants.
(Placée
en institution, elle ne fait rien en classe, si ce n'est de lire ou de rêver.
Elle a 10 ans et ne sait pas, ou ne sait plus, écrire. Son éducatrice me
disait, la veille, qu'en réunion de synthèse la concernant, ils n'arrivaient
pas à la "cerner". Moi non plus d'ailleurs.)
Philippe : Je demande à toute la
classe comment ça se fait quand il pleut et si on peut savoir s'il pleuvra
demain.
-
C'est des nuages qui se tamponnent et se crèvent. (Jean-Marie)
-
On pourrait apprendre une poésie sur la pluie. (Thomas)
-
On n'a qu'à se renseigner chez nous et sur la géographie puis faire le cahier
d'éveil. (Nadine)
(Philippe,
11 ans, "bloqué" à la rentrée, avec des difficultés d'élocution,
manquant de repères dans le temps et l'espace, présentant des "passages à
vide" fréquents, a eu un "déclic" avant Noël, et rattrape
actuellement beaucoup de son retard en me demandant souvent du travail
personnalisé. A noter ici 2 propositions de travail non repoussées par les
autres.)
Thomas : Hier mon père est venu,
il a discuté dehors avec ma mère. Puis ils sont rentrés. J'étais au lit. J'ai
écouté à la porte et j'ai regardé par le trou de la serrure. Il va nous inviter
au restaurant.
- Et
si ta mère avait ouvert ? (Maurice)
-
J'aurais dit que j'allais aux toilettes.
(Problème
familial important et perturbant beaucoup l'enfant qui en parle presque tous
les jours. L'année précédente, il ne disait pratiquement rien au Quoi de
nouveau.)
Nadine : Hier mon père, ma mère et
une autre femme sont encore allés acheter 12 poules. Je leur ai donné de la
craie blanche comme on avait dit en classe et elles l'ont mangée.
-
Combien ça coûte une poule ? (Didier)
-
12 francs.
-
M'sieur, on pourrait faire un problème. (Firmin)
-
Elles pondent des œufs ? (Malika)
-
Non, pas encore.
-
Pourquoi ? (Maurice)
-
Il faut un mâle. (Thomas)
-
Je le demanderai.
(Elle
avait déjà parlé de ses poules avec précision et nous avions réalisé une
enquête sur l'œuf. A noter ici aussi 2 occasions de travail qui seront
exploitées.)
Jean-Marie : Je voudrais qu'on
inscrive une nouvelle conférence que j'ai préparée. Le titre c'est "Le
lièvre aux grandes oreilles". M'sieur, vous pouvez me marquer ? J'en
prépare une autre sur la carpe ; il me manque un dessin.
(A
son arrivée dans la classe en octobre il m'avait dit : "Je viens ici parce
que certainement je gênais dans l'autre classe." Depuis son arrivée, il
est toujours en train de travailler, de se documenter, de dessiner, de faire
des fiches... même les jours de vacances chez lui. Elève de Perfectionnement ?)
Maurice : Tom, ce matin j'ai vu un
lapin chez toi. Je voudrais savoir combien il a coûté et comment tu fais quand
il pleut.
-
Je l'ai payé 15 francs. Quand il pleut, je le rentre et je l'essuie. Des fois,
je le prends dans mon lit.
(Maurice
manque totalement de repères et passe son temps à... ranger, classer les
affaires de la classe, faire des tableaux, des plannings. Très irrégulier, se
désintéressant parfois de tout ce qui l'entoure, évoluant dans "son
monde". Il a de très grosses difficultés pour s'exprimer, prononçant la
moitié des mots.)
Serge : Hier ma mère elle a
acheté 3 poules, elles ont pondu des œufs.
-
Où tu les as mises ? (Nadine)
-
Dans la cour.
(Enfant
qui relève d'un établissement spécialisé. Il a parlé pour la première fois au
Quoi de nouveau le 14 janvier ! Depuis, il y a parlé presque tous les jours.
MAIS il n'y a que là qu'il parle ! Le reste du temps, ce qui se passe dans la
classe lui est totalement étranger. C'est ici la longueur moyenne de son
discours.)
Firmin : Hier, mon chien de
mon grand-père il a tué un lapin dans ma cour. Je peux porter un lapin
en classe pour l'étudier ?
-
Oui ! (l'ensemble de la classe)
-
D'où il sortait le lapin ? (Thomas)
-
On en a 10 dans la cour, ils étaient petits, maintenant ils sont gros.
-
C'est quelle race le chien ? (Thomas)
-
Un griffon, mon grand-père il en a 7.
(Grand
gabarit, difficile à motiver pour tout ce qui est activité de type scolaire. Il
a 12 ans et est entré en perfectionnement, la première fois, au mois d'octobre
! C'est la deuxième fois de l'année qu'il veut raconter quelque chose au Quoi
de nouveau. Pourquoi ce "mutisme" ? A noter ici encore une
proposition de travail.)
Maurice : (l'animateur de cette
séance) : Le quoi de nouveau est terminé. Chacun revient à sa place en silence.
Bien entendu, les commentaires
concernant chaque enfant ne sont pas inscrits sur le "cahier du quoi de
nouveau" car ce cahier est à la disposition des enfants qui, par plaisir
(recherche de traces ?), ou par besoin (vérification), vont parfois le
consulter.
Ce
cahier peut être un outil précieux au moment de bilans (d'orientation par
exemple) pour une meilleure connaissance de l'enfant.
Pour conclure, je peux affirmer que
le "Quoi de nouveau ?" apporte quotidiennement du nouveau dans la
classe ! La Vie, le monde extérieur franchissent les murs de l'école et nous
apportent... parfois de l'inattendu !
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