Tout groupe, et donc toute classe, fonctionne avec des
normes, des règles, des lois, et "un
individu faisant partie d'un groupe est implicitement tenu d'en respecter les
normes car le groupe met en place une sorte de contrôle social avec des
recommandations, des obligations et des interdictions, et obtient l'adhésion
aux normes par un jeu de punitions et de gratifications."([1])
Toute école possède son "règlement" calqué sur
le" règlement scolaire départemental".
Dans la classe coopérative en particulier, ces Règles
sont explicitées dès les premiers jours de la rentrée et font partie du
"système"([2]).
Les "Règles" dans la classe coopérative, leur
mise en place, leur validité; leur application, leur efficacité pédagogique et
éducative, les transgressions de ces Règles (transgressions involontaires et
volontaires), les "hors la loi", les sanctions mises en oeuvre...
Tout cela est lié d'une part à la notion de "pouvoir(s)", d'autre
part à la notion de "discipline".
Ces Règles sont bien entendu sous-tendues par un
système de valeurs sociales auxquelles se réfère l'Ecole et leur prise en
compte fait rapidement apparaître de multiples interactions sur le groupe et
les individus.
LES RÈGLES DE MA CLASSE
Souvent, dans les classes, les règlements, les Règles
sont implicites, non dits, non écrits, non clairement porté à la connaissance
des enfants qui les découvrent donc de manière empirique (au détour d'un
"rappel à l'ordre", par le biais des punitions...) et par transmission
orale entre pairs.
Dans ma classe, c'est tout le contraire et de la sorte,
"nul n'est censé ignorer la Loi".
Ainsi, après une lecture commentée du règlement de
l'école, les règles de la classe verront progressivement le jour.
Mais quelles
sont nos "Règles"([3]) qui
seront écrites noir sur blanc et affichées ?
__ D'abord les trois règles fondamentales (respect de l'individu,
respect du matériel, et entraide obligatoire) imposées dès la rentrée
scolaire.
Ce sont en fait les "Lois constitutionnelles"
qui aideront à l'élaboration des autres règles de la classe, lors des
"Conseils de classe".
__ Viendront donc ensuite les règles établies par le
groupe, par vote à la majorité, après proposition et discussion. (On pourrait
bien sûr se poser la question "Pourquoi
pas votées à l'unanimité ?"([4]).
C'est un autre débat.)
Ce sont des règles qui :
- renforcent les trois règles fondamentales
ou
- aident à mettre en place et/ou facilitent ce
fonctionnement et cette vie de groupe.
A titre d'exemple en voici quelques unes adoptées ces
dernières années :
. On
doit écouter les responsables.
. On ne
frappe pas les autres.
. On peut prendre une BTJ([5]) à la maison. Si on l'abîme, on apporte 8F à la
caisse de la classe.
. On ne mange pas en classe sauf en activité
cuisine ou pour un goûter.
. On ne s'amuse pas et on ne court pas dans les
bâtiments.
. On ne dérange pas ceux qui travaillent.
. Un responsable doit faire son métier.
. Etc.
Mais des règles sans aucun système d'application
n'auraient aucune valeur... Nos règles existent, sont adoptées au départ par la
majorité ; elles doivent donc être appliquées et respectées. Elles seront bien
sûr transgressées à un moment ou à un autre... ce qui nécessitera la mise en
place d'un système de sanctions.
LES SANCTIONS DANS MA CLASSE
Il conviendrait tout d'abord de mener une analyse du
(des) pouvoir(s) dans la
classe. Je rappellerai simplement ici, que légalement,
dans le cadre de l'Institution Education Nationale c'est l'enseignant qui a
le pouvoir. Je suis responsable de la classe, des enfants qui me sont confiés.
Dans une autre démarche pédagogique, je conserverais la
totalité de ce pouvoir. Dans le cadre de la classe coopérative, je confie, je
délégue, une partie de ce pouvoir au groupe et aux individus qui le composent.
Les enfants le savent, MAIS ils sont avertis dès le
début, qu'en cas de danger (pour les individus, le groupe ou le
fonctionnement) c'est moi qui aurait TOUT pouvoir (le droit de veto en quelque
sorte).
Ainsi une partie du pouvoir (exécutif) sera consacrée à
la mise en application, au respect des règles du groupe et se concrétisera par
des "sanctions" en cas de transgression de ces règles.
Nous avons donc un système de sanctions qui, par choix
pédagogique, devront avoir chacune une valeur éducative.
A noter que ce système de sanctions n'est pas unifié,
standardisé. La sanction varie avec la circonstance et surtout avec
l'individu en fonction de son niveau de comportement([6]), de
son stade de développement([7]).
En règle générale, chaque sanction (après trois
avertissements) est donc discutée et décidée en conseil de classe après avoir
entendu la "défense" de l'enfant qui est en cause.
A noter déjà qu'il est rare d'en arriver au troisième
avertissement et donc à la "sanction". L'avertissement sanctionne
déjà par oralisation et prise en compte de la transgression.
Les sanctions sont donc différentes suivant les cas et
il existe plusieurs types de sanctions.
_ La sanction privation :
. Privé de parole en "Conseil de classe", en
"Quoi de nouveau ?" (c'est parfois très dur à vivre pour certains !)
. Privé d'atelier.
. Privé de travail scolaire (ce qui est très mal accepté
dans la classe coopérative où le travail a une valeur
"autonomisante" pour l'individu, où le travail donne des compétences
et donc du pouvoir, des droits et des libertés !)
. Privé d'autonomie, d'indépendance (quand, par exemple,
on est pris en charge par un tiers)
. Privé de "plaisir" (d'accéder à la documentation,
à la bibliothèque ; ou de participer à des ateliers de création, d'expression ;
ou de pouvoir choisir son travail, ses activités personnelles...)
_ La sanction matérialisation :
Celle qui consiste à être noté sur la feuille des
"avertissements", ou même le seul fait d'avoir son nom inscrit dans
le "cahier du conseil" à la rubrique "critiques" (Cela
suffit parfois !)
_ La sanction compensation-réparation :
Ranger ce que l'on a dérangé, ou aider à une tâche
collective pour faire avancer le travail de la classe, ou travailler en
activités personnelles avec son "plan de travail" au lieu d'aller en
atelier pour rattraper le temps perdu volontairement, ou payer (quand c'est
possible - suivant l'origine sociale -) ce que l'on a volontairement détérioré.
_ La sanction exclusion :
Très rarement prononcée, c'est l'exclusion de la
"classe coopérative" pour celui qui se met systématiquement "hors
la loi de la classe". L'enfant reste bien sûr en classe, mais il perd tous
ses droits liés à la classe coopérative et se retrouve dans la situation de
"l'élève standard" à qui je fournis du travail de type scolastique.
(situation généralement très mal vécue par
l'enfant !)
_ La sanction châtiment :
Elle est très rarement utilisée dans cette classe ;
uniquement dans des cas extrêmes où il ne semble pas y avoir de solution immédiate.
- "châtiment verbal" : hausser la voix,
utiliser un vocabulaire qui jouera sur le comportement de l'enfant (mais toujours
en le respectant).
- "châtiment corporel" : obliger à rester un
moment immobile (style "piquet"). Bien sûr la violence n'est jamais
employée. (une règle de la classe est là pour le rappeler en application de la
déclaration universelle des droits des enfants([8])).
▲
▲ ▲
[1] -
Hélène SOREZ in POUR CONDUIRE UNE REUNION. Ed. HATIER Profil) Formation. Paris
(1983)
[2] - Cf.
Une réponse... La classe coopérative.
[3] - Cf. Les
Institutions dans la classe coopérative.
[4] - Cf.
L'AUTOGESTION, C'EST PAS DE LA TARTE. Marcel MERMOZ.
[5] - BTJ
= Bibliothèque de Travail Junior. Ed. P.E.M.F. - Mouans Sartoux (06).
[6] - Cf.
Les échelles d'évaluation.
[7] - "...Les intérêts d'un enfant dépendent
donc à chaque instant de l'ensemble de ses notions acquises et de ses
dispositions affectives, puisqu'il tend à les compléter dans le sens d'un
équilibre meilleur." Jean PIAGET in SIX ETUDES DE PSYCHOLOGIE. Ed.
GONTHIER, Genève (1964).
[8] - Cf.
Des droits de l'enfant.