RÈGLES ET SANCTIONS DE LA CLASSE

Patrick ROBO

1982

site : http://probo.free.fr/
courriel : patrick.robo@laposte.net

 


Tout groupe, et donc toute classe, fonctionne avec des normes, des règles, des lois, et "un individu faisant partie d'un groupe est implicitement tenu d'en respecter les normes car le groupe met en place une sorte de contrôle social avec des recommandations, des obliga­tions et des interdictions, et obtient l'adhésion aux normes par un jeu de punitions et de gratifications."([1])

Toute école possède son "règlement" calqué sur le" règlement scolaire dé­partemental".

Dans la classe coopérative en particu­lier, ces Règles sont explicitées dès les premiers jours de la rentrée et font partie du "système"([2]).

Les "Règles" dans la classe coopérative, leur mise en place, leur validité; leur application, leur efficacité pédagogique et éducative, les transgressions de ces Règles (transgressions involontaires et volontaires), les "hors la loi", les sanc­tions mises en oeuvre... Tout cela est lié d'une part à la notion de "pouvoir(s)", d'autre part à la notion de "discipline".

Ces Règles sont bien entendu sous-ten­dues par un système de valeurs so­ciales auxquelles se réfère l'Ecole et leur prise en compte fait rapidement apparaître de multiples interactions sur le groupe et les individus.

 

LES RÈGLES DE MA CLASSE

 

Souvent, dans les classes, les règle­ments, les Règles sont implicites, non dits, non écrits, non clairement porté à la connaissance des enfants qui les dé­couvrent donc de manière empirique (au détour d'un "rappel à l'ordre", par le biais des punitions...) et par transmis­sion orale entre pairs.

Dans ma classe, c'est tout le contraire et de la sorte, "nul n'est censé ignorer la Loi".

Ainsi, après une lecture commentée du règlement de l'école, les règles de la classe verront progressivement le jour.

 

Mais quelles  sont nos "Règles"([3]) qui se­ront écrites noir sur blanc et affi­chées ?

__ D'abord les trois règles fondamentales (respect de l'individu, respect du maté­riel, et entraide obligatoire) imposées dès la rentrée scolaire.

Ce sont en fait les "Lois constitution­nelles" qui aideront à l'élaboration des autres règles de la classe, lors des "Conseils de classe".

 

__ Viendront donc ensuite les règles éta­blies par le groupe, par vote à la majo­rité, après proposition et discussion. (On pourrait bien sûr se poser la question "Pourquoi pas votées à l'una­nimité ?"([4]). C'est un autre débat.)

Ce sont des règles qui :

- renforcent les trois règles fondamentales

ou               

- aident à mettre en place et/ou facili­tent ce fonctionnement et cette vie de groupe.

 

A titre d'exemple en voici quelques unes adoptées ces dernières années :

. On doit écouter les responsables.

. On ne frappe pas les autres.

. On peut prendre une BTJ([5]) à la mai­son. Si on l'abîme, on apporte 8F à la caisse de la classe.

. On ne mange pas en classe sauf en activité cuisine ou pour un goûter.

. On ne s'amuse pas et on ne court pas dans les bâtiments.

. On ne dérange pas ceux qui travail­lent.

. Un responsable doit faire son métier.

. Etc.

 

Mais des règles sans aucun système d'ap­plication n'auraient aucune valeur... Nos règles existent, sont adoptées au départ par la majorité ; elles doivent donc être appliquées et respectées. Elles seront bien sûr transgressées à un moment ou à un autre... ce qui nécessitera la mise en place d'un système de sanctions.

 

LES SANCTIONS DANS MA CLASSE

 

Il conviendrait tout d'abord de mener une analyse du (des) pouvoir(s) dans la

classe. Je rappellerai simplement ici, que légalement, dans le cadre de l'Institu­tion Education Nationale c'est l'ensei­gnant qui a le pouvoir. Je suis respon­sable de la classe, des enfants qui me sont confiés.

Dans une autre démarche pédagogique, je conserverais la totalité de ce pou­voir. Dans le cadre de la classe coopé­rative, je confie, je délégue, une partie de ce pouvoir au groupe et aux indivi­dus qui le composent.

Les enfants le savent, MAIS ils sont avertis dès le début, qu'en cas de dan­ger (pour les individus, le groupe ou le fonctionnement) c'est moi qui aurait TOUT pouvoir (le droit de veto en quelque sorte).

Ainsi une partie du pouvoir (exécutif) sera consacrée à la mise en application, au respect des règles du groupe et se concrétisera par des "sanctions" en cas de transgression de ces règles.

Nous avons donc un système de sanc­tions qui, par choix pédagogique, de­vront avoir chacune une valeur éduca­tive.

A noter que ce système de sanctions n'est pas unifié, standardisé. La sanc­tion varie avec la circonstance et sur­tout avec l'individu en fonction de son niveau de comportement([6]), de son stade de développement([7]).

En règle générale, chaque sanction (après trois avertissements) est donc discutée et décidée en conseil de classe après avoir entendu la "défense" de l'enfant qui est en cause.

A noter déjà qu'il est rare d'en arriver au troisième avertissement et donc à la "sanction". L'avertissement sanctionne déjà par oralisation et prise en compte de la transgression.

Les sanctions sont donc différentes suivant les cas et il existe plusieurs types de sanctions.

 

_ La sanction privation :

. Privé de parole en "Conseil de classe", en "Quoi de nouveau ?" (c'est parfois très dur à vivre pour cer­tains !)

. Privé d'atelier.

. Privé de travail scolaire (ce qui est très mal accepté dans la classe coopé­rative où le travail a une valeur "autonomisante" pour l'individu, où le travail donne des compétences et donc du pouvoir, des droits et des liber­tés !)

. Privé d'autonomie, d'indépendance (quand, par exemple, on est pris en charge par un tiers)

. Privé de "plaisir" (d'accéder à la do­cumentation, à la bibliothèque ; ou de participer à des ateliers de création, d'expression ; ou de pouvoir choisir son travail, ses activités personnelles...)

 

_ La sanction matérialisation :

Celle qui consiste à être noté sur la feuille des "avertissements", ou même le seul fait d'avoir son nom inscrit dans le "cahier du conseil" à la rubrique "critiques" (Cela suffit parfois !)

 

_ La sanction compensation-réparation :

Ranger ce que l'on a dérangé, ou aider à une tâche collective pour faire avan­cer le travail de la classe, ou travailler en activités personnelles avec son "plan de travail" au lieu d'aller en atelier pour rattraper le temps perdu volontai­rement, ou payer (quand c'est possible - suivant l'origine sociale -) ce que l'on a volontairement détérioré.

 

_ La sanction exclusion :

Très rarement prononcée, c'est l'exclu­sion de la "classe coopérative" pour celui qui se met systématiquement "hors la loi de la classe". L'enfant reste bien sûr en classe, mais il perd tous ses droits liés à la classe coopérative et se retrouve dans la situation de "l'élève standard" à qui je fournis du travail de type scolastique.

(situation généralement très mal vécue par l'enfant !)

 

_ La sanction châtiment :

Elle est très rarement utilisée dans cette classe ; unique­ment dans des cas extrêmes où il ne semble pas y avoir de solution immé­diate.

- "châtiment verbal" : hausser la voix, utiliser un vocabulaire qui jouera sur le comportement de l'enfant (mais tou­jours en le respectant).

- "châtiment corporel" : obliger à res­ter un moment immobile (style "piquet"). Bien sûr la violence n'est ja­mais employée. (une règle de la classe est là pour le rappeler en application de la déclaration universelle des droits des enfants([8])).

 

 

   

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[1] - Hélène SOREZ in POUR CONDUIRE UNE REUNION. Ed. HATIER Profil) Formation. Paris (1983)

[2] - Cf. Une réponse... La classe coopérative.

[3] - Cf. Les Institutions dans la classe coopérative.

[4] - Cf. L'AUTOGESTION, C'EST PAS DE LA TARTE. Marcel MERMOZ.

[5] - BTJ = Bibliothèque de Travail Junior. Ed. P.E.M.F. - Mouans Sartoux (06).

[6] - Cf. Les échelles d'évaluation.

[7] - "...Les intérêts d'un enfant dépendent donc à chaque instant de l'ensemble de ses notions acquises et de ses dispositions affectives, puisqu'il tend à les compléter dans le sens d'un équilibre meilleur." Jean PIAGET in SIX ETUDES DE PSYCHOLOGIE. Ed. GONTHIER, Genève (1964).

[8] - Cf. Des droits de l'enfant.