LA CLASSE COOPERATIVE

 

Patrick ROBO

1996

site : http://probo.free.fr/

courriel : patrick.robo@laposte.net

 

En propos liminaire nous dirons que la classe coopérative et le conseil de classe ne prennent sens que parce qu'ils s'inscrivent dans une Pédagogie considérée comme un système cohérent[1]  schématisé comme suit :

 

Tout d'abord quelques précisions à propos de  CLASSE COOPÉRATIVE :  pourquoi  et comment la mettre en œuvre ?

 

POURQUOI
LA CLASSE COOPÉRATIVE ?

 

þ Si nous l'abordons sous l'aspect EDUCATION CIVIQUE, la CLASSE COOPÉRATIVE permet de respecter et d'appliquer, au quotidien, des droits des enfants prescrits par la C.I.D.E.[2], et notamment :

- le droit d'expression ;

- le droit de participation ;

- le droit à l'information ;

- le droit de donner son avis ;

- le droit d'association ;

parce qu'elle donne la parole et de l'autonomie aux enfants dont elle prend en compte et respecte l'histoire et le vécu.

 

þ La mise en place de la CLASSE COOPÉRATIVE permet de respecter l'enfant et ses droits parce qu'elle est guidée par trois objectifs fondamentaux :

 

F Un changement d'attitude de l'enseignant :

L'enseignant, le "maître" n'est pas celui qui régente (Autoritarisme), ni celui qui n'intervient pas (Laisser-faire). Il sera celui qui aide la classe à s'organiser en cellule vivante, en structure coopérative, éducative et formatrice, conduisant l'Enfant vers ses apprentissages, l'autonomie et son statut d'Etre social responsable.

 

F La reconnaissance du statut d'Enfant de l'élève :

L'Enfant, qui a certains moments accomplit son métier d'élève (en situation d'apprentissage) ou assume sa fonction d'écolier (quand il est dans l'école) est reconnu avec ses droits et devoirs qui sont portés à sa connaissance et dont il peut demander l'application et le respect (lorsque ce n'est pas le cas).

 

F L'installation d'un milieu éducatif :

Ce qui se traduira par :

þ La primauté de l'expression libre,

þ Le respect des processus naturels (tâtonnement expérimental),

þ La confrontation entre création personnelle et réflexion critique du groupe (conflit socio-cognitif),

þ L'ouverture sur l'extérieur, sur la Vie,

þ L'introduction de techniques et ou­tils pédagogiques adaptés,

þ La gestion coopérative du temps, de l'espace, des activités et de la vie du groupe,

þ La mise en place d'institutions, de règles, de lois dans la classe,

þ Le partage des tâches, des responsabilités, des pouvoirs,

þ La personnalisation des apprentissages,

þ L'accueil des différences,

þ La planification du travail individuel et collectif...

et entraînera le passage d'une somme d'individus à un groupe qui vit, parle, propose, discute, décide, agit...

 

 

COMMENT
LA CLASSE COOPÉRATIVE ?

 

 

Le changement d'attitude de l'ensei­gnant et la mise en place d'un  milieu éducatif, dans la cohérence de cette démarche, ne peuvent s'inscrire que dans une "pédagogie globalisée" dont le lien essentiel est l'organi­sation coopérative de la classe, et mieux encore lorsque c'est possible, de l'école, de l'établissement.

Dimension coopérative qui ne s'ap­plique pas qu'à une organisation ma­térielle ou à quelques activités dites "secondaires", mais à l'ensemble des activités, à la Vie de la classe.

Ainsi, le texte libre, la correspondance, les conférences d'enfant, les recherches, le travail individualisé, le travail personnalisé, le journal scolaire les enquêtes, le conseil de classe, l'E.P.S., les maths, l'art enfantin... sont tous marqués du sceau coopératif.

En fait, si l'enseignant continue à régner en "maître" dans SA classe, à décider de tout, si la discipline reste autoritaire, "paternaliste" ou "maternaliste", point n'est besoin d'instaurer la coopération dans la classe.

MAIS si l'on s'efforce de partir des intérêts des enfants, si l'on est prêt à leur accorder de la confiance, et si de plus les activités engagées supposent et nécessitent l'organisation en commun entre les enfants avec l'apport de l'adulte, alors la dimension coopérative devient une nécessité.

 

þ De ce choix découlent des priorités dans la pratique pédagogique quotidienne :

 

a) Apprendre à "PARLER/LIRE / ECRIRE / COMPTER" mais en permettant à chacun d'apprendre à apprendre en fonction de ses potentialités, de son rythme, de ses acquis.

b) Conduire les enfants-écoliers-élèves à :

- "devenir grands"

- devenir le plus autonomes possible

- devenir libres et responsables dans le cadre de l'école et de la Société.

c) Rendre le temps passé chaque jour ensemble à l'école, le plus "vivable" et le plus agréable possible.

 

Donc souci d'efficacité, de "rentabilité pédagogique", de bien-être ; souci tenant compte de la particularité de chaque enfant et du peu de temps dont on dispose sur une année scolaire.

 

þ Cette démarche, n'oublie surtout pas que le groupe-classe appartient à un système "socio-économico-culturel" qui interagit sur le quotidien[3] :

 

 



     
LA FAMILLE                               LA SOCIÉTÉ                             L'ENSEIGNANT
                                                                                                              

                                                             LA
      
LA VILLE                                   CLASSE                                 l'ÉCOLE
                                                COOPÉRATIVE
                                                                                                              

    
LE QUARTIER                                                                             L'ÉDUCATION
                                                              L'IDÉE DE L'ÉCOLE                                 NATIONALE


 

 

þ Pour atteindre ces objectifs, on peut se donner différents moyens et techniques dont certains ont parfois une dimen­sion "tactique" : introduire dans la classe des outils et techniques (dont l'ordre d'introduction varie selon les années et le vécu). Ü Cercle 1 du schéma ci-après Û

 

Ainsi par exemple :

- L'expression libre

- La correspondance scolaire

- Le journal scolaire

- Le "Quoi de nouveau ?" (entretien du matin)

- Les enquêtes

- Le projet collectif

- Les fichiers autocorrectifs

- Etc.

 

Mais la mise en oeuvre de ces tech­niques et outils conduit rapidement à introduire d'autres techniques, d'autres structures, une autre organisation. Ü Cercle 2 du schéma Û

 

 

Ainsi par exemple :

- Les ateliers

- Les activités personnelles

- L'entraide (enseignement mutuel)

- Le partage des responsabilités

- Les règles et "lois" de la classe

- Etc.

 

Donc l'introduction de techniques et outils qui :

 

- Donnent la parole :

[le "Quoi de nouveau ?", la correspondance, le journal, les enquêtes, l'expression libre, le projet, la recherche libre ou guidée...]

- Donnent de l'autonomie :

[les activités personnelles, l'autocorrection, les plans-contrats de travail, les échelles de niveau, certains documents (bibliothèques de travail, répertoires orthographiques, classeur personnel)...]

- Apprennent à Parler, Lire, Ecrire et Comp­ter :

[Texte libre, correspondance, journal, imprimerie, ordinateur, télécopieur, minitel, enquêtes, recherches, échelles de niveau...]

- Imposent une organisation diffé­rente et un partage du pouvoir :

[Ateliers, activités personnelles, enquêtes, journal...]

- Permettent d'accéder à d'autres sa­voirs que les "scolaires" :

[Expression, correspondance, en­quêtes, création, recherches...]

- Et... posent des "problèmes", aux enfants, au groupe, à l'enseignant.

 

En effet, l'introduction de ces techniques et outils provoque très normalement quelques "problèmes" car ils apportent de la VIE en classe, créent des relations nouvelles, des échanges différents, des manières d'être et de faire différentes. La "ruche bourdonne" ! Et des conflits[4] apparaissent plus ou moins rapidement.

 

þ Il faut alors GÉRER tout cela, la classe étant devenu un groupe d'indi­vidus, un groupe de groupes.

A ce niveau apparaît la nécessité d'une nouvelle technique : "LE CONSEIL DE CLASSE"[5] qui permettra à cet "atomium"[6] d'exister. Ü Centre du schéma ci-après Û

Le Conseil, lieu de décision, de régulation, d'élaboration coopérative des règles  du groupe, lieu de formation civique.

Au Conseil, on critique, on propose, on évalue, on sanctionne (mais on ne punit pas).

Le Conseil, clé de voûte qui fait tenir debout l'édifice (l'organisation coopérative du groupe-classe) et les individus (enfants et adulte).

 

Cette CLASSE COOPÉRATIVE se met en place progressivement et plus ou moins rapidement suivant les circons­tances. Elle a ses hauts, ses bas (février est souvent un creux de vaque), ses évolutions, ses régressions. Elle se construit comme le corps de l'enfant et non comme un meccano.

 

Et si l'on pouvait ne donner qu'un seul conseil à un enseignant qui souhaiterait démarre une telle organisation pédagogique au service de l'Éducation Civique et des apprentissages, ce serait :

 

"Ne pas démarrer seul"

 

 

*******

 

HAUT DE PAGE

 

 

 

 

LA CLASSE COOPÉRATIVE SCHÉMATISÉE

 

 

 

 

 

 

Celui qui se vante de ce qu'il fera risque d'échouer.

Celui qui est fier de son œuvre n'accomplit rien de durable.

Tao Té King

poète chinois

 

▲ ▲

HAUT DE PAGE



[1] : ROBO P., Qu'est-ce que la Pédagogie FREINET ?, Se Former +, Lyon, 1996.

[2] : Convention Internationale des Droits de l'Enfant.

[3] : Cf. DE LA CLASSE COOPERATIVE A LA PEDAGOGIE INSTITUTION­NELLE  (p.374) de A. VAZQUEZ & F. OURY.

[4] : "Le groupe étant composé d'individus de tempéraments divers, il est normal et naturel que la vie de groupe provoque des conflits...  Les conflits sont à la base de l'échange, à condition qu'il y ait respect de la pensée de l'autre, compréhension des problèmes posés et recherche commune." Charles MACCIO in "Animation de groupes", Ed. Chronique Sociale. Lyon.

[5] : Aussi appelé REUNION DE COOPERATIVE, CONSEIL DE COOPERA­TIVE

[6] : Cf. VERS UNE PEDAGOGIE INSTITUTIONNELLE (p.101) de A. VAZQUEZ & F. OURY