SANCTIONNER OU PUNIR
Eléments pour une approche systémique et cohérente

Patrick ROBO

Version décembre 1999

site : http://probo.free.fr/

courriel : patrick.robo@laposte.net

 

 

Tout groupe qui vit, agit, produit… élabore des règles implicites ou explicites.

Ces règles sont amenées à ne pas être respectées soit qu'elles soient transgressées, soit qu'elles soient oubliées, ce qui peut passer inaperçu ou qui peut être constaté, ce qui peut provoquer une gêne ou ne pas en provoquer.

Lorsqu'il y a constat de ce non respect mais aussi gène ou trouble ou danger, que faire, tout particulièrement pour ce qui nous concerne dans le cadre de l'école ?

A cette question, deux alternatives au moins :

ð Laisser faire, ignorer

ou

ð Agir, mais agir pour qui ? Agir pour quoi ?

 

Pour qui ?

-         pour celui qui ne respecte pas la règle (transgression ou omission)

-         pour celui, ceux qui sont victimes, gênés, troublés

-         pour la (micro) société, école ou classe

-         pour soi en tant que garant des règles, de la Loi

-         pour soi, éducateur, responsable des élèves et de leur éducation

-        

 

Pour quoi ?

-         pour la sécurité, l'équilibre des individus et du collectif

-         pour la crédibilité du dispositif réglementé, légiféré

-         pour la réussite de l'action éducative et de la vie collective

-         pour l'éducation de celui qui ne respecte pas la Loi

-         pour l'éducation de tous les individus constituant le collectif

-         pour son narcissisme professionnel et/ou personnel (image de soi)

-         pour son (bon) plaisir conscient ou non (pourvoir, toute puissance, voire dimension sadique)

-        

 

Agir donc, mais comment ?

 

ð En fonction de principes et de valeurs

 

a)      respect du droit commun en référence :

-         au code civil ;

-         à la Convention Internationale des Droits de l'Enfant ;

-         au règlement d'école[1] ;

-         au règlement de classe.

 

b)      principe d'éducabilité

-         éducation et formation du "citoyen enfant" vers le "citoyen adulte"

 

c)      principe de cohérence éducative

-         système cohérent (éducation civique - loi d'orientation de 1989)

-         attitude cohérente de l'éducateur (exemple et non modèle)

 

d)      principe de cohérence avec la Justice française, notamment la Justice pour les mineurs

-         présomption d'innocence

-         droit à être défendu

-         sanction profitable

-         sanction adaptée à la faute et à l'individu (gradation de la sanction)

 

e)      prise en compte du droit à l'erreur dans l'apprentissage de la socialisation ;

 

f)       

 

ð En fonction de données des Sciences Humaines

 

a)      Psychologie et développement de l'individu (notamment l'approche Piagétienne : quand l'adulte échange son point de vue avec l'enfant, il stimule le développement de son autonomie, quand il utilise récompense et punition il renforce son hétéronomie - conditionnement Pavlovien. PIAGET distingue donc punition et sanction par réciprocité, cette dernière étant directement liée aux actes que l'on veut sanctionner ; elle aide l'enfant à construire par lui-même ses règles de comportement à travers la coordination de points de vue)

-         la punition entretient l'individu dans l'hétéronomie ;

-         la sanction est éducative car en liaison avec la "faute" ;

-         la sanction participe de et à la construction du sens social.

 

b)      Psychologie des groupes et sociologie :

-         phénomènes de groupe

-         bouc-émissaire et leadership

-          

c)      Psychanalyse

-         "le besoin de punition" selon Freud pour le propre équilibre du fautif (cf. "le problème économique du masochisme" in Névrose, psychose et perversion, PUF, 1973 ;

-         le besoin de connaître les limites, ses limites ;

-         la prise en compte de l'interdit et de l'inter - dit en liaison avec l'interdit œdipien et le principe de castration. Valeur symbolique de la Loi et de la sanction.

 

d)      Le socio constructivisme et l'interactionnisme dans la construction de soi, des savoirs ;

 

e)     

 

ð En effectuant des choix éducatifs et pédagogiques dans un positionnement déontologique en fonction de "modèles éducatifs" :

-         constructiviste et interactionniste (et non transmissif, applicationniste) ;

-         médiateur, éducateur (et non instructeur) ;

-         modèle d'affranchissement (et non charismatique ou directif) ;

-         et plus particulièrement pour ce qui est de la sanction, modèle de "l'éducateur qui gère avec les enfants - élèves - écoliers" (et non modèle du "St Louis sous son chêne") ;

-        

 

Volontairement nous nous inscrivons dans une démarche éducative par rapport à la sanction qui associera l'enfant ce qui correspond davantage au modèle d'affranchissement dans une approche socioconstructiviste.

 

Ce choix conduit bien évidemment à la mise en place de lieux de parole, de régulation, de médiation, du type "conseil de classe" (technique pédagogique ô combien délicate)

 

Ce choix conduit également à la mise en place d'un système de sanction éducatif et à vocation humaniste, qui implique :

-         un rappel systématique du droit commun dans lequel il s'inscrit ;

-         l'élaboration progressive (en fonction d'événements) d'un système évolutif et gradué de sanctions, de différents types de sanctions comme c'est le cas dans le code pénal.

 

Ce système de sanctions écartera, par principe, la punition de type coercitive et/ou expiatoire, inspirée de la culture judéo-chrétienne.

 

Mais alors quelles sanctions ?

Rappeler tout d'abord l'étymologie : latin sanctio ; de sancire, établir une loi. Conséquence morale d'un acte, châtiment ou récompense ; peine ou récompense prévues pour assurer l'exécution d'une loi (sanctions pénales). Mesure répressive. - Grand Larousse encyclopédique.

 

Dans ce cadre nous pourrions envisager, comme sanction :

-         l'enregistrement, le constat oral ou écrit d'un non respect de la règle : "je note que…" ; "je te critique parce que…" ;

-         l'évocation du non respect d'une règle ou de sa prise en compte : "je te rappelle que…" ; "on a traité en conseil de classe de…" ;

-         l'avertissement qui tient compte du droit à l'erreur ;

-         la sanction réparation car la faute est liée au faire et non à l'individu ;

-         la sanction privation de droits, de liberté, de responsabilité ;

-         la sanction "pardonnante" (rédemptrice) : "je (te) présente mes excuses" ;

-         la sanction "contractualisante" : "je m'engage à…"

 

En tout état de cause, la sanction sera :

-         avant tout éducative ;

-         indépendante du libre arbitre de l'adulte ;

-         l'objet d'une discussion - réflexion, d'une négociation ;

-         traitée en référence à une règle, une Loi explicites.

\

 

Quand on sanctionne, on est dans le registre de la Loi/transgression.

Quand on punit, on est dans le registre de la norme/déviance.

 

"La punition d'un enfant survient souvent comme la nécessité pour un adulte de récupérer narcissiquement son emprise et sa violence sur l'enfant."[2]

 

La sanction ne s'applique pas "à cause d'un passé" mais en direction "de l'avenir".[3]

 

"Le coupable est aussi une victime qu'il faut aider."[4]

 

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ANNEXE

 

SANCTIONS REGLEMENTAIRES

 

Circulaire n° 91-124 du 6 juin 1991(1) modifiée par les circulaires nos 92-216 du 20 juillet 1992 et 94-190 du 29 juin 1994

Directives générales pour l'établissement du règlement type départemental des écoles maternelles et élémentaires

 

3.2. RÉCOMPENSES ET SANCTIONS

Le règlement type départemental peut prévoir des mesures d'encouragement au travail et des récompenses.

 

3.2.1. École maternelle

L'école joue un rôle primordial dans la scolarisation de l'enfant: tout doit être mis en œuvre pour que son épanouissement y soit favorisé.

C'est pourquoi aucune sanction ne peut être infligée. Un enfant momentanément difficile pourra, cependant, être isolé pendant le temps, très court, nécessaire à lui faire retrouver un comportement compatible avec la vie du groupe. Il ne devra à aucun moment être laissé sans surveillance.

Toutefois, quand le comportement d'un enfant perturbe gravement et de façon durable le fonctionnement de la classe et traduit une évidente inadaptation au milieu scolaire, la situation de cet enfant doit être soumise à l'examen de l'équipe éducative, prévue à l'article 21 du décret n° 90-788 du 6 septembre 1990, à laquelle participeront le médecin chargé du contrôle médical scolaire et/ou un membre du réseau d'aides spécialisées.

Une décision de retrait provisoire de l'école peut être prise par le directeur, après un entretien avec les parents et en accord avec l'inspecteur de l'Éducation nationale.

Dans ce cas, des contacts fréquents doivent être maintenus entre les parents et l'équipe pédagogique de façon à permettre dans les meilleurs délais sa réinsertion dans le milieu scolaire.

 

3.2.2. École élémentaire

Le maître ou l'équipe pédagogique de cycle doit obtenir de chaque élève un travail à la mesure de ses capacités. En cas de travail insuffisant, après s'être interrogé sur ses causes, le maître ou l'équipe pédagogique de cycle décidera des mesures appropriées.

Tout châtiment corporel est strictement interdit.

Un élève ne peut être privé de la totalité de la récréation à titre de punition.

Les manquements au règlement intérieur de l'école, et, en particulier, toute atteinte à l'intégrité physique ou morale des autres élèves ou des maîtres peuvent donner lieu à des réprimandes qui sont, le cas échéant, portées à la connaissance des familles.

Il est permis d'isoler de ses camarades, momentanément et sous surveillance, un enfant difficile ou dont le comportement peut être dangereux pour lui-même ou pour les autres.

Dans le cas de difficultés particulièrement graves affectant le comportement de l'élève dans son milieu scolaire, sa situation doit être soumise à l'examen de l'équipe éducative, prévue à l'article 21 du décret n° 90-788 du 6 septembre 1990.

Le médecin chargé du contrôle médical scolaire et/ou un membre du réseau d'aides spécialisées devront obligatoirement participer à cette réunion.

S'il apparaît, après une période probatoire d'un mois, qu'aucune amélioration n'a pu être apportée au comportement de l'enfant, une décision de changement d'école pourra être prise par l'inspecteur de l'Éducation nationale, sur proposition du directeur et après avis du conseil d'école. La famille doit être consultée sur le choix de la nouvelle école. Elle peut faire appel de la décision de transfert devant l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'Éducation nationale.

 

  

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[1] Récompenses et sanctions dans le règlement intérieur :

Ecole maternelle :

"Aucune sanction ne peut être infligée".

Possibilité d'isoler momentanément (temps très court) sous surveillance.

En cas de perturbation grave, réunion de l'équipe éducative et possibilité de "retrait provisoire de l'enfant après entretien avec les parents et accord de l'I.E.N."

Ecole élémentaire :

"Tout châtiment corporel est strictement interdit".

"Un élève ne peut être privé de la totalité de la récréation à titre de punition".

En cas de manquement au règlement intérieur, possibilité de réprimande, le cas échéant portée à la connaissance des parents.

Possibilité d'isoler momentanément et sous surveillance un enfant difficile.

Si gravité, réunion de l'équipe éducative.

Enfin, possibilité de changement d'école.

[2] BERGERET Jean, in Quand et comment punir les enfants, ESF, Paris, 1989, p. 22.

[3] in Protagoras de PLATON.

[4] : PLATON in Lois.