Patrick ROBO
1996
D'après FIJALKOW[1],
contrairement à la recherche pathologique qui se limite à l'existant, à la
cause, la recherche-action fait en sorte qu'il n'apparaisse pas ou s'efforce de
le déplacer en créant de nouveaux possibles.
Ainsi l'enfant en
difficulté ne sera pas un point de départ mais un point d'arrivée.
"La recherche pathologique, partie d'un constat, ne
remet pas en doute son objet. Elle ne peut que le disséquer. la
recherche-action considère que l'existence de cet objet ne relève pas de la
nécessité et agit pour en prévenir l'existence."
(...)
"La recherche-action se différencie donc ici
de la recherche pathologique en ce qu'elle est transformation plutôt que constat, expérimentation plutôt qu'observation."
Ainsi la démarche
d'une recherche-action partira de la réussite et non de l'échec ; elle relève
de la recherche empirique.
"Le chercheur procède comme le maître
efficace qui, dans sa classe, essaie différentes formules et tâtonne à la
recherche de celles qui lui paraissent les meilleures."
(...) "La recherche-action laisse le chercheur
intellectuellement insatisfait ; si elle ne suffit pas, force est donc de
compléter son apport par d'autres approches." (les autres recherches
ou résultats de recherches).
De fait la recherche-action
est complémentaire de la recherche (pure, scientifique), et du fait que souvent
l'objet de la recherche est un sujet, ses partisans affirment que la
transformation est plus importante que l'explication, sans exclure cette
dernière pour autant.
La recherche-action
s'inscrit dans une approche systémique, multiréférentielle[2].
et ainsi manipule l'ensemble des facteurs qui jouent un rôle dans l'objet de la
recherche, ce qui relativise l'importance de tel ou tel fait, élément. "La recherche-action avec son foisonnement de
variables, à l'avantage de rappeler qu'une variable n'est qu'une variable et
que l'explication du problème étudié ne saurait être valide sans être complexe."
La recherche-action
engendre une travail de recherche à partir d'une action, recherche qui, dans un
second temps, vient féconder l'action, sous forme de boucle.
DÉFINITIONS[3]
:
Le but de la
recherche-action est de résoudre des problèmes concrets et particuliers à un
milieu scolaire.
La recherche-action
s'apparente à la recherche appliquée. Ce qui la distingue de cette dernière,
c'est que toutes les phases de sa réalisation sont conduites par les éducateurs
engagés dans le milieu scolaire directement concerné. Il ne s'agit pas de recherche
sauvage au hasard des impulsions d'un individu. La recherche-action doit
respecter de minutieuses règles de procédure à l'exemple des autres types de
recherche. LEGENDRE, R. (1981) Conditions favorables :
- Les problèmes
doivent être bien identifiés et circonscrits avec précision par groupe
d'enseignants intéressés ;
- Les objectifs et les
hypothèses de la recherche doivent être définis sans équivoque ;
- En cours de
réalisation, les participants doivent régulièrement revenir sur
l'identification du problème et l'énoncé des objectifs afin d'en conserver une
perception claire ;
- L'échéancier,
l'évaluation des ressources humaines, matérielles doivent être établies avant
la phase expérimentale ;
- Les enseignants
doivent être au courant des données des autres recherches effectuées dans leur
domaine d'intérêt ;
- L'école doit fournir
un climat favorable à l'étude et à l'expérimentation.
Avantages :
La recherche-action
est une excellente façon d'assurer une formation permanente de personnel
scolaire.
Les problèmes ont plus
de chance d'être étudiés rigoureusement par les personnes qui les vivent
quotidiennement.
Les enseignants
intéressés s'engagent d'une façon plus active.
Les résultats sont immédiatement
utilisables et conformes aux exigences particulières d'un milieu scolaire.
Les ressources sont
conjuguées à des activités utiles aux élèves et aux enseignants.
"La
recherche-action est recherche réflexive, entreprise -avec ou sans la collaboration
de personnes de ressource extérieure- par des participants à une situation
éducative, dans le but d'augmenter la rationalité et l'équité de leur propre
pratique, ainsi que d'arriver à une meilleure compréhension de ces pratiques et
des conditions dans lesquelles elles ont lieu." (Kemmis; 1985).
"La
recherche-action dans laquelle le chercheur s'implique a pour objectif premier
de modifier des pratiques".
"Le processus
majeur est celui de la spirale réflexive, succession de cycles : planification
- action - observation - réflexion.
Ce qui caractérise le
savoir généré par la recherche-action, c'est qu'il trouve sa validation dans
les effets de l'action. Si la conclusion est positive, la théorie-pratique s'en
trouve renforcée.
L'approche des
réalités sera essentiellement qualitative, sans que la quantification soit
cependant exclue.
La préoccupation
dominante de la recherche-action est l'optimisation de la pratique. Elle
naîtra, notamment, de la découverte, par l'enseignant, de la contradiction
entre ce qu'il croit être et ce qu'il fait réellement.
Quelles que puissent
être les différences de savoirs théoriques, de compétences et d'expérience
professionnelle entre les participants à une recherche-action bien conduite,
tous en sortent enrichis.
A l'actif de la
recherche-action, on peut notamment mettre la provocation d'une dynamique
innovatrice, d'autant plus importante qu'elle est aussi source de développement
personnel." (V. DE LANDSHEERE)[4]
RECHERCHE-ACTION INTÉGRALE
ET PARTICIPATION COOPÉRATIVE
(extrait)[5]
"Notre
définition de la recherche-action se veut coopérative et très impliquée. Elle a
pour finalité le changement à la fois dans la pensée ou le discours et dans
l'efficacité de l'action. Nous l'avons définie comme celle qui vise un
changement par la transformation réciproque de l'action et du discours,
c'est-à-dire d'une action individuelle à une pratique collective efficace et
incitatrice, et d'un discours spontané à un dialogue éclairé voire engagé. Elle
exige qu'il y ait un contrat ouvert, formel (plutôt non structuré) impliquant
une participation coopérative pouvant aller jusqu'à la cogestion.
Notre
définition ne prétend pas couvrir tous les types de recherche-action exposés
par Desroche mais surtout celle qu'il annonçait comme une recherche-action
intégrale ; elle se situe dans un esprit coopératif inspiré par de nombreux
courants européens, sud-américains, québécois.
On
peut dire que c'est la nature du problème qui détermine si une approche de
recherche-action intégrale doit être utilisée... On fait appel à celle-ci
lorsqu'il y a une exigence de participation des intéressés pour la solution du
problème.
Ce
terme "intégrale" précise non seulement la caractéristique
essentielle de participation (par les acteurs) mais démontre aussi la finalité
(pour les acteurs) et l'objet (sur le problème des acteurs). Elle veut répondre
en partie à notre interrogation sur la volonté des peuples, des gens, des
groupes sociaux, voire des responsables d'institutions ou d'entreprises, de
planifier, d'organiser, de réaliser eux-mêmes leurs changements d'une façon
consciente, libre et intelligente avec le plus de réflexion possible. Cette
forme de recherche-action engage les acteurs à coopérer à l'amélioration de
leurs conditions de vie et à la solution de leurs problèmes.
Elle
appartient à ce nouveau paradigme qui enrichit le savoir pratique grâce aux
rapports entre l'action et la réflexion.
En
recherche-action intégrale, le chercheur est partie prenante de l'action, il
agit sur le changement, il participe à l'évolution et à la solution des
problèmes.
• Comment choisir
l'approche de recherche-action intégrale
-
Connaître la nature de la problématique ;
-
S'assurer de la finalité de changement et des modes de participation ;
-
Se donner un langage commun ;
-
Réaliser un contrat ouvert ;
• Les étapes d'élaboration
d'un plan de recherche :
-
Saisir clairement les besoins principaux du groupe ;
-
Bien comprendre la finalité du projet ;
-
Esquisser et illustrer les étapes essentielles du projet ;
-
Déterminer la durée totale du projet ;
-
Préciser les rôles du participant ;
-
S'attribuer les tâches ;
-
Conclure une entente ou un contrat ouvert.
• Les techniques d'écriture
collective :
Elles
sont des moyens de faire participer les gens à la discussion, la réflexion et
l'écriture sur les thèmes propres à leur vie. Elles sont propices à permettre
la participation de tout un groupe, non seulement pour cueillir de
l'information et de la réflexion mais pour la rédaction sur les thèmes
cruciaux, les thèmes de recherche.
Leur
finalité est de mettre en évidence de façon rationnelle l'expérience des
participants. Cette idée de fond, inspirée des écrits d'Henri Desroche se
concrétise en cinq points importants (on peut intervertir leur ordre) :
1-
L'expérience libellée. On trouve un
titre (de recherche-action)
2-
L'expérience ordonnée. C'est la mise
en ordre des récits, des expériences qui se rapportent à une question. On met
de l'ordre dans les séquences, on esquisse une argumentation, on classe les
composantes, les questionnements, et on anticipe les inférences.
3-
L'expérience pondérée. C'est
l'évaluation en se servant d'instruments d'évaluation, ou de mesure, en
multipliant les argumentations. On développe des critères ou une grille
d'analyse des récits. On interroge au besoin des personnes ressources.
4-
L'expérience comparée. On cherche
soit une documentation, soit des expériences comparables qui confirment des
constantes ou différencient les variables. C'est l'extension en quelque sorte
de l'expérience afin de l'ouvrir vers d'autres horizons.
5-
L'expérience profilée. On peut
établir cette expérience selon un calendrier, faire des propositions d'avenir
ou encore faire ressortir des leçons d'application future.
En
résumé, ces techniques sont des outils pour faire le point, pour explorer un
domaine de réflexion ou bâtir des stratégies d'action, pour échanger plus en
profondeur sur un sujet important.
▲
[1] : FIJALKOW F., L'illettrisme en question, Ed. P.U.L.,
1990, p. 244-245.
[2] : "Assumant pleinement l'hypothèse de la complexité, voire de
l'hyper-complexité, de la réalité à propos de laquelle on s'interroge, l'approche multiréférentielle propose
une lecture plurielle de ses objets (pratiques ou théoriques), sous différents
angles, impliquant autant de regards spécifiques et de langages, appropriés aux
descriptions requises, en fonction de systèmes de références distincts,
supposés, reconnus explicitement non-réductibles les uns aux autres, c'est à
dire hétérogènes. Cette démarche a pris naissance dans l'embarras même où se
retrouvent toujours placés les praticiens, quand ils deviennent soucieux de
ré-interroger leurs pratiques, sans doute pour les optimiser, avec, ainsi, une
intention plus délibérément praxéologique, mais aussi, pour tenter de mieux les
comprendre, voire de les théoriser... " ARDOINO J. - L'approche
multiréférentielle (plurielle) des situations éducatives et formatives - in L'approche
multiréférentielle en formation et en sciences de l'éducation, FORMATION
PERMANENTE - Université de Paris VIII, 1993
[3] : in dictionnaire actuel de l'éducation, éd. ESKA,
Paris, 1993.
[4] : in L'éducation et la
formation, PUF, Paris, 1992
[5] : MORIN, A., RECHERCHE-ACTION INTÉGRALE ET PARTICIPATION
COOPÉRATIVE, Ed. Agence d'Arc, Ottawa, 1992.