Patrick ROBO
Juin
2003
Le conseiller pédagogique de
circonscription (CPC) d'une cinquantaine d'années se rend dans une école pour
une "visite" à une jeune professeur des écoles nouvellement sortie de
l'IUFM, chargée d'un CM2 avec 26 élèves dont une non francophone.
C'est la mi-octobre par une grise journée
d'automne où le vent rabat la pluie sur les murs et vitres de cette école à
douze classes dans le plus gros REP de Montpellier.
C'est la fin de la
récréation, les enfants sont serrés sous le préau et cette enseignante, tenue
vestimentaire à la mode actuelle tente de faire aligner sa classe pour monter
au deuxième étage. Elle y parvient difficilement tout en disant au CPC qu'elle
attendait avec impatience cette visite et commence à lui dire que "c'est un peu hard".
Les enfants s'installent à
leurs places, deux par bureau, ceux-ci alignés face au tableau ; le CPC
s'assied au fond de la classe et l'enseignante commence tout de suite sa
"leçon" sur l'accord du participe passé avec être.
Elle explique l'objectif de
la séance, elle écrit au tableau quelques phrases du type "Hier après-midi des filles sont allées
visiter le musée. Hier les parents de Damien sont partis au Brésil."
et elle tente de faire découvrir la règle d'accord avec des questions adressées
à toute la classe.
Des élèves tentent de
répondre, certains criant plus fort que les autres, certains se mettant debout
au milieu de la classe.
Elle demande que chacun
reste à sa place et ne crie pas. Elle continue ainsi sa leçon pendant 35
minutes à grands efforts pour contenir le groupe. Plus ça va plus elle hausse
sa voix et inscrit des noms au tableau avec des croix. "Taisez-vous !", "Ecoutez ce que je vous dis !",
"Fatima, tu m'ennuies, arrête de
discuter avec Laïla", "Vous
m'énervez, ça suffit maintenant !", "Mohamed, laisse ton walk-man tranquille"… "Camille, répète la règle que je viens de
donner pour l'accord du participa passé employé avec être et donne nous un
nouvel exemple à partir de quelque chose que tu as fait pendant les vacances
cet été.", etc.
Puis elle demande aux élèves
de sortir le classeur de français pour recopier la règle dans la partie
"grammaire" ; en même temps elle commence à écrire la règle au
tableau.
A ce moment-là deux gamins,
grands gaillards, se lèvent au fond de la classe et se battent…
Elle se retourne et crie
"Mohamed et Kalid arrêtez et copiez
la règle sur votre classeur !". Mais la bagarre continue, insultes à
l'appui. "Arrêtez !!!".
Rien n'y fait.
Elle va vers les deux
gaillards et tant bien que mal les sépare et les fait asseoir à leur place.
"Pourquoi vous vous battez ?"
-
Il m'a traité !
-
C'est pas vrai c'est lui qui
a commencé ; il s'est moqué de ma mère.
-
Il ment ! à la récré il m'a
piqué mon goûter.
L'enseignante arrête là
cette discussion voyant qu'elle ne s'en sortirait pas et que les autres
prennent partie pour l'un ou pour l'autre. Elle a le visage tout rouge ; faut
dire que le chauffage est allumé et qu'il fait chaud. Les vitre sont recouvertes
de buée.
"Prenez tous les deux votre brouillon et copiez 20 fois la règle qui est
au tableau."
-
Je ne le ferai pas parce que
je suis innocent dit Mohamed très énervé.
-
Tu vas le faire
immédiatement sinon tu la copieras 40 fois !
-
Je m'en fous, je ferai venir
mon père.
-
Je vais t'envoyer chez le
directeur.
-
Je m'en fous !
Exaspérée, cela dure depuis
20 minutes, elle prend Mohamed par le bras et le met à la porte de la classe,
porte qu'elle referme violemment.
"Continuez votre travail et n'oubliez pas de…" La sonnerie
retentit ; c'est l'heure de la sortie de midi ; les gamins se lèvent et
s'avancent vers le couloir.
Elle n'en peut plus, retient
une larme et fait descendre les enfants en gardant à ses côtés Mohamed qu'elle
confie en passant au Directeur ; celui-ci le fait entrer dans son bureau en le
sermonnant…
Le CPC la retrouve après que
les enfants soient sortis et tente avec elle d'analyser ce qui s'est passé.
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