L'écriture clinique

Patrick ROBO

Juin 2003

http://probo.free.fr/  -  patrick.robo@laposte.net

 

 

L'écriture clinique, développée en particulier par des psychanalystes (Cifali M., 1994, 1995, 1996 et Imbert F., 1992, 1994), est considérée comme un moyen au service de l'analyse des pratiques car "elle permet d'appréhender des situations singulières, complexes et uniques" (Cifali, 1998).

 

Utiliser l'écriture dans ce cadre-là, ne consiste pas à rédiger des bilans ou des comptes rendus d'analyses, mais à adopter, par l'écrit personnel, une démarche réflexive sur une pratique vécue et contribuer ainsi à sa compréhension et à la construction d'un savoir clinique, à même le lieu que représente cette pratique racontée.

Ainsi l'écriture clinique participe de la construction de savoirs de la pratique, et comme l'avance Michel de Certeau (1990), permet la théorisation des pratiques quotidiennes : "Une théorie du récit est indissociable d'une théorie des pratiques, comme sa condition et en même temps que sa production".

Ce passage par l'écriture favorise également cette nécessaire mise à distance de la pratique en permettant une prise de recul grâce à sa possible problématisation.

Il contribue également à la construction identitaire du professionnel par cette "réflexivité qui implique une mise en mots (fonction discursive) engageant une mise à distance par rapport à soi (auto-réflexivité) et au monde (réflexivité en/sur les situations)" (Donnay J., 2001).

 

Aujourd'hui, des pratiques d'écriture clinique se développent en particulier dans la formation initiale des enseignants et ce, sous des formes diverses, parfois à titre innovant, qui mériteraient certainement d'être davantage étudiées et utilisées :

les monographies particulièrement utilisées par les tenants de la Pédagogie institutionnelle (Imbert F., 1994 ; Pain J. 1994)

les récits microbiographiques

les récits de pratiques

les journaux de bord (forme évoluée du "cahier journal")

les livrets personnels de réflexivité (Donnay J., 2001)

les auto-analyses commentées en trois colonnes (Robo P.)

les portfolios

etc.

Le travail d'analyse par l'écriture clinique se situe à plusieurs niveaux :

En premier lieu il a lieu lors de la phase d'écriture personnelle qui touche à l'intimité professionnelle. Mettre en mot sa pratique nécessite de la "décortiquer", de la conscientiser, de la clarifier dans une démarche d'authenticité. Instrumentée (cf. par exemple le "trois colonnes") elle est plus efficiente.

En deuxième lieu il peut avoir lieu lorsque cet écrit est socialisé en direction, soit d'un formateur (relation duelle de confiance), soit  d'un groupe de pairs (écrit anonymé ou non, mais dans ce cas volontariat nécessaire), dans le but de co-analyser la pratique ainsi exposée. Alors ce travail "de l'intérieur" peut être partagé, reconstruit, approfondi… et quelque part théorisé.

De fait l'écriture clinique est au service d'une double quête : celle de la réflexivité et celle de la congruence.

 

 

Cifali M. (1996). Démarche clinique, formation et écriture, in Paquay L., Altet M., Charlier E. et Perrenoud Ph. (dir.) Former des enseignants professionnels. Quelles stratégies ? Quelles compétences ?, Bruxelles, De Boeck, pp. 119-135.

Cifali M. (1998). «Clinique et écriture : une influence de la psychanalyse dans les sciences de l'éducation», in Hofstetter R. et Scneuwly B., Le pari des sciences de l'éducation,  Raisons éducatives n° 1-2, Bruxelles, De Boeck Université, p. 299.

Cifali M. (1994) Le lien éducatif : contre-jour psychanalytique. Paris : PUF.

Cifali M. (1995) " J’écris mon quotidien ". Genève: Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation.

Certeau M de. (1990). L'invention du quotidien 1. Arts de faire, Paris, Gallimard, Folio.

Donnay J. (2001). «Identité narrative du futur enseignant» in Alin C., Gohier C, Enseignant formateur : la construction de l'identité professionnelle, Paris, L'Harmattan Collection Education et Formation.

Imbert F. (1992). "Groupe Balint et formation des pédagogues", Pratiques de formation (Analyse), Paris, Université Paris VIII, n° 23.

Imbert F. (1992). Vers une clinique du pédagogique, Vigneux, Matrice.

Imbert F. (1994). Médiations, institutions et loi dans la classe, Paris, ESF,

Pain J. (s.l.d. : Groupe des Marleines) (1994). De la pédagogie institutionnelle à la formation des maîtres, Paris, Matrice PI.

Imbert F. (1996) L’inconscient dans la classe, Paris, ESF.

Revault d’Allonnes C. et al. (1989). La démarche clinique en Sciences de l’Education, Paris, Dunod.

 

▲ ▲

HAUT DE PAGE